Une minorité à libérer : les chefs d'entreprise
Le titre de notre dernier dîner-débat était inspiré d'un essai de la grande romancière et philosophe américaine Ayn Rand, intitulé "La minorité la plus persécutée des États-Unis : les chefs d'entreprise".
Ayn Rand explique que dans tout conflit avec les autres groupes (par exemple l'État, ou les syndicats), les chefs d'entreprise sont toujours considérés a priori comme les coupables, et que l'opinion publique les rend volontiers responsables des pêchés des autres. Elle démontre que dans les procès "anti-trust" intentés par l'administration, ils doivent affronter de pseudo-lois qui ne s'appliquent qu'à eux, des lois si floues qu'ils ne peuvent bien les cerner à l'avance, alors que l'accusateur peut les interpréter à sa guise.
Aujourd'hui, en France, il serait excessif de parler de persécution à propos des chefs d'entreprise. Les lois sur la concurrence n'y sont pas aussi arbitraires qu'aux États-Unis. Le chômage a fait prendre conscience à l'opinion publique que les chefs d'entreprise constituent la minorité la plus utile à la nation : ils créent les emplois grâce auxquels sont produits les biens et les services que nous apprécions suffisamment pour les acheter.
Le chef d'entreprise n'est pas pour autant libre de ses décisions. Il est prisonnier d'un carcan de règlements d'une complexité inutile, qui limite son efficacité et sa contribution à la prospérité générale. D'où le titre de notre dîner-débat.
Dans son introduction, Jacques de Guenin, le président du cercle, a déposé sur la table quatre ouvrages de 1250 pages chacun (les "Mementos Pratiques Francis Lefebvre") qui contiennent tout ce que le chef d'entreprise doit savoir en matière fiscale, comptable, juridique et sociale, pour éviter de se trouver en contradiction avec la loi. Bien entendu aucun chef d'entreprise n'est en mesure de connaître tout cela. Il doit donc faire appel à toutes sortes d'experts, ce qui augmente le prix de revient de ses produits et diminue sa compétitivité internationale.
Cette réglementation prolifère comme un cancer, avec les mêmes résultats sur la santé de l'entreprise : le "Francis Lefebvre Fiscal" a trois cent pages de plus qu'il y a quinze ans ! Mais elle a une autre conséquence encore plus désastreuse : elle décourage la création d'entreprises nouvelles (elle fait peur au candidat entrepreneur).
Au total, elle aboutit à créer davantage de chômage, alors même que certains de ces règlements avaient été imaginés pour le diminuer.
Il appartenait à Axel Arnoux, jeune et dynamique directeur général de "Chauvin-Arnoux" (la grande firme française d'instruments de mesure de réputation mondiale), de montrer sur des exemples concrets tirés de son expérience, comment la volonté du législateur se retourne finalement contre son objet : c'est ainsi qu'en voulant trop protéger les plus de 55 ans, la réglementation a abouti au résultat inverse : aucune entreprise, aujourd'hui, n'embauche plus de salariés dépassant la cinquantaine, alors qu'elles le faisaient couramment auparavant. Aux États-Unis, où ces contraintes n'existent pas, le marché des plus de cinquante ans est très ouvert. Le législateur a ainsi réussi à stériliser une fraction utile et expérimentée de la nation.
Mais il a fait pire. Attirés par des conditions de départ particulièrement favorables, certains cadres de plus de 55 ans cherchent à se faire licencier en diminuant délibérément leur contribution, voire en adoptant une attitude négative vis à vis de l'entreprise, ce qui crée un climat déplorable. On imagine les difficultés dans lesquelles puisse se trouver une petite entreprise contrainte de remplacer 3 ou 4 cadres anciens devenus nuisibles à un coût unitaire de plusieurs centaines de milliers de francs !
L'un des apports les plus appréciés d'Axel Arnoux a été la distribution d'une feuille de paie telle que son entreprise la pratique : pour un employé au Smic (salaire de base 5219 Francs par mois), cette feuille indique en tête les trois informations suivantes :
Vos revenus bruts avant prélèvements sociaux : 7 301 francs
Vos revenus nets après prélèvements sociaux : 4 284 francs
Prélèvements sociaux obligatoires ("charges sociales") : 3 017 francs
Ces trois nombres montrent respectivement :
- ce qu'un "smicard" coûte en fait à l'entreprise ;
- ce qu'il perçoit vraiment ;
- ce que lui coûte sa "protection" sociale.
Quand on voit ce que coûte la sécurité sociale au travailleur de base, on pourrait s'attendre à ce que les syndicats qui la contrôlent la gèrent avec un grand souci d'économie, et à ce que les employés qui en vivent aient à coeur de travailler à effectif minimum et rendement maximum. Le dernier rapport de la Cour des Comptes a révélé qu'il y régnait au contraire une incroyable gabegie.
Si, pour combler le déficit engendré par cette gabegie, un gouvernement (de gauche ou de droite) cherche à vous extorquer un peu plus sous le prétexte que ces prélèvements sont inéquitablement répartis sur l'échelle des salaires, ne vous laissez pas attendrir trop vite : pour un ingénieur "gagnant" 20 500 francs par mois, les "revenus bruts avant prélèvements sociaux", les revenus nets, et les prélèvements obligatoires, sont respectivement de 29 160, 16 833, et 12 325 francs !
Aux États-Unis, les employés de Chauvin-Arnoux jouissent pour leur santé d'une protection au moins égale à celle de leurs collègues français. Mais cette protection est librement négociée avec plusieurs compagnies d'assurance privées, et cette concurrence permet d'obtenir les mêmes prestations qu'en France à un coût bien inférieur. La concurrence entre les entreprises sur le marché du travail contraint ces dernières à offrir à leurs employés des niveaux de protection comparables.
Une nouvelle contribution de M. Darieu
Le toujours jeune président honoraire de la Chambre de Commerce et d'Industrie des Landes nous a lu deux documents fort plaisants. Le premier est "la prière du salarié", due à André Verhaeghe, qui commence ainsi :
Seigneur garde moi mon patron Sans lui je ne suis rien... rien qu'un chomeur,
Et qui après quelques notations amusantes conclut :
Terrasse ses ennemis qui l'empêchent de travailler et d'être efficace.
Le second est un extrait d'un "Discours sur le Libre Échange" datant de 1848 :
"Le libre échange augmente les forces productives.
Si l'industrie va croissant, si la richesse, si le pouvoir productif, si, en un mot, le capital productif augmente, la demande de travail, le prix du travail, et par conséquent le salaire augmentent également.
La meilleure condition pour l'ouvrier, c'est l'accroissement du capital".
De qui peut bien être ce discours ? "De Frédéric Bastiat, bien sûr" allez vous répondre ! Eh bien non ! Vous donnez votre langue au chat ? Il est de Karl Marx !
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