Pourquoi nos musulmans veulent-ils obstinément conserver leur identité ?
Pourquoi nos musulmans veulent-ils obstinément conserver leur identité ?
Depuis la fin de la période coloniale on assiste à l’arrivée, en France, de flux de migrants importants en provenance de nos anciennes colonies. Ces personnes viennent s’installer chez nous pour y faire leur vie, les conditions d’existence dans leur pays étant devenues très difficiles. Originaires dans leur grande majorité de pays musulmans ces nouveaux arrivants installent l’islam dans notre pays et ne s’assimilent pas : un certain nombre d’entre eux s’intègrent, mais beaucoup ne font que s’inclure. Du fait que ces migrants ne veuillent pas s’assimiler, notre société est devenue hétérogène : elle a perdu de son unité, et son fonctionnement s’en trouve perturbé..
Jérôme Fourquet nous dit, dans « L’archipel français » ( Seuil), paru en 2019 : « En quelques décennies tout a changé : depuis 50 ans les principaux ciments qui assuraient la cohésion de la société française se sont désintégrés ». Il explique que le soubassement philosophique constitué par le christianisme s’est effondré et que le pays est, désormais, « un archipel constitué de groupes ayant leur propre mode de vie, leurs propres mœurs, et leur propre vision du monde ». La plupart de nos concitoyens paraissent ne pas comprendre pourquoi ces nouveaux arrivants tiennent si fort à conserver leur identité, et ne s’assimilent pas. S’assimiler, en effet, c’est adopter la culture et les valeurs de la société qui accueille : or, de par leur religion, et de par les événements qui au cours des siècles ont marqué l’histoire de chacune des deux civilisations, la civilisation occidentale d’un coté et la civilisation musulmane de l’autre, les motifs qu’ils ont de s’opposer à nous sont multiples. Pour comprendre ce qu’il se passe, nous allons procéder à quelques rappels.
Les oppositions de fond, c'est-à-dire à caractère religieux :
Chaque civilisation, nous disent les sociologues, tout comme les anthropologues, est fondée sur une religion : le christianisme pour la civilisation occidentale, l’islam pour la civilisation musulmane. Ce sont des religions monothéistes qui ont le même Dieu (dixit Jean Paul II), et l’islam qui est apparu plusieurs siècles après le judaïsme et le christianisme s’en est démarqué en prétendant que les prophètes antérieurs, celui des juifs d’abord, puis celui des chrétiens ensuite, ont délivré des messages qui sont à la fois imparfaits et incomplets, et qui, de surcroit, ont été déformés. C’est le prophète Mahomet qui a eu, lui, le privilège insigne d’avoir reçu, en direct, le message divin et l’on a donc enfin, ainsi, le vrai message du Très Haut. Il faut donc que les chrétiens et les juifs s’y rallient. Les musulmans sont donc convaincus qu’eux seuls détiennent la vérité, et d’ailleurs le Coran leur dit qu’ils sont : « La meilleure communauté qui soit jamais apparue parmi les hommes » (3,112). On comprend que, muni de ces vérités, un musulman ait des raisons très sérieuses de considérer que sa vision du monde est la bonne : il pense, en son tréfonds, que les juifs et les chrétiens sont dans l’erreur. D’ailleurs, Dieu dit dans le coran aux musulmans : « Ô, croyants, ne vous liez d’amitié qu’entre vous » (3,118).
Des rivalités, en matière de civilisation :
Il y a eu, dès l’apparition de l’islam au VIIe siècle, des affrontements guerriers entre la civilisation musulmane et la notre. Les victoires obtenues par les vaillants cavaliers d’Allah permirent à la civilisation musulmane de s’implanter rapidement dans de très vastes espaces géographiques, et, alimentée par les apports provenant des pays nouvellement conquis, cette civilisation s’est trouvée enrichie, et elle a dominé la notre : il y eut deux foyers très riches : Bagdad et le fameux foyer civilisationnel de Cordoue. Cela dura quelques siècles et, finalement, c’est notre civilisation qui prit le dessus, les historiens situant le tournant à la bataille de Lepante , en 1571, où la flotte de la Sainte-Ligue parvint à anéantir la flotte ottomane. Depuis lors, c’est notre civilisation qui domine la civilisation musulmane, grâce aux progrès extraordinaires qui s’y sont opérés tant sur les plans philosophique, scientifique, et technique. Et cette domination s’est même exercée physiquement du fait que plusieurs grandes puissances européennes soient allées conquérir, au XIXe siècle, un grand nombre de pays musulmans : les Français en Algérie, puis, ensuite, en Tunisie et au Maroc, les Anglais en Inde et en Egypte, les Hollandais en Indonésie, les Italiens en Tripolitaine, etc…Cette domination depuis des siècles de notre civilisation dans le monde a un caractère vexatoire et frustrant pour les musulmans, et quand ils viennent s’installer en Europe ils mettent leur fierté à nous rappeler que leur civilisation existe, elle aussi, et qu’ils lui sont fideles :d’où la barbe, la djellaba, le voile, le niqab, l’ abaya, etc…..
Le réveil de l’islam et le déclenchement des hostilités par Hassan el Bana
L’islam, au XXe siècle, s’est finalement réveillé après qu’il se fut assoupi pendant quatre siècles. Ce fut en Egypte, qui était sous mandat de la Grande-Bretagne, un instituteur très religieux, Hassan el Banna, qui créa, en 1928, le mouvement des « Frères Musulmans ». Il expliqua aux musulmans que s’ils ont été dominés par les pays occidentaux c’est parce qu’ils se sont écartés de leur religion : il proposa donc aux musulmans de s’appuyer sur l’islam pour lutter contre les puissances coloniales, et il fit du corpus religieux du coran un programme politique, allant jusqu’à prêcher pour la restauration du califat. Sayyed Qutb, qui a été le théoricien du mouvement, a été un des penseurs musulmans les plus influents du XXe siècle. Il appela les musulmans à se mobiliser contre les Occidentaux, proclamant que leur civilisation était diabolique, décadente, une civilisation primitive, car « sans Dieu » (jâhiliyya). Il dénonça notre matérialisme, écrivant : « Ce capitalisme d’accumulation, de monopoles, d’intérêts usuriers, tout d’avidité ; cette vue matérialiste minable, desséchée de la vie ». Et, pour ce qui est de nos rapports sociaux, il ne fut guère plus tendre : « Cette liberté bestiale qu’on nomme la mixité ! Ce marché d’esclaves nommé émancipation de la femme, ces ruses d’un système de mariages et de divorces contraires à la vie naturelle ». Il produisit de très nombreux écrits pour inciter les musulmans à ne pas tomber dans le piège de notre civilisation, leur faisant prendre conscience que l’islam est, à l’opposé, une civilisation bien supérieure : « Quelle raison, quelle hauteur de vue, quelle humanité en islam », disait-il, en conclusion de ses écrits. Hassan el Bana a donc associé islam et politique, et il a prêché l’avènement d’une « civilisation islamique mondiale ». Il a diffusé l’idée que les puissances occidentales sont composées de Kouffars, c'est-à-dire de vils « mécréants » contre lesquels le djihad est un devoir sacré.
Aussi, le dernier ouvrage de l’anthropologue Florence Bergeaud Blackler intitulé « Le Frérisme et ses réseaux » (Odile Jacob,2023) est-il essentiel. Il nous dévoile le travail souterrain qui est fait en Europe par les réseaux des Frères Musulmans. Leur objectif est clair : soumettre l’Occident à la civilisation islamique. Sayyid Qutb disait à ses disciples « Etre musulman, c’est être un guerrier » (mujahid) ; et il proclamait que « l’islam est victorieux par origine, à tout jamais ».
L’heure de la révolte sonna, donc, après la seconde guerre mondiale, du fait que les grandes puissances coloniales se sont trouvées considérablement affaiblies par la seconde guerre mondiale. En Iran, Mossadegh nationalisa sans qu’on s’y attende l’Anglo-Iranian Oil Company qui appartenait aux Anglais, le 1er mai 1951 ; puis, le colonel Nasser, en Egypte, nationalisa le 26 juillet 1956 le canal de Suez qui appartenait à un consortium anglo-français. Ce furent deux événements majeurs qui montrèrent à tous les indépendantistes à l’œuvre dans les pays colonisés que les puissances coloniales n’étaient pas invincibles.. Il y eut donc l’indépendance de la Tunisie, puis celle du Maroc, etc…., et, pour finir, la guerre d’Algérie. Tous les pays colonisés parvinrent, les uns après les autres, à rejeter à la mer les diverses puissances européennes qui les avaient colonisés et sonna, ainsi, pour les pays musulmans, l’heure de la gloire et de la revanche. Cette victoire remportée sur les pays occidentaux qui les dominaient est un élément qui conforte les musulmans dans leur fierté : venant de triompher des « incroyants », ce n’est pas le moment pour eux de vouloir renoncer à leur identité pour adopter la nôtre.
L’islam et les ennemis de Dieu :
Pour les musulmans radicaux, les Occidentaux sont des ennemis d’Allah : ce sont des incroyants (kuffär) qui prétendent avoir le droit de vivre sans respecter les lois divines. Dans le coran un verset dit : « Ô Prophète, fais la guerre aux incrédules et aux hypocrites, et sois rude envers eux ! La Géhenne sera leur demeure. Quelle triste fin ! » (LXVI,9).Cela est insupportable à certains, et il arrive que des musulmans très radicaux entrent en action pour faire leur devoir. L’attentat le plus spectaculaire contre les Occidentaux fut celui du 11 septembre 2001, aux Etats-Unis, commis par al-Qaida : deux avions commerciaux détournés par des jihadistes vinrent s’écraser contre les deux plus hautes tours de Manhattan, à New-York, les Twin-Towers, faisant 3.000 morts. Souleymane Abou-Ghaith, le porte-parole d’al-Qaida, déclara : « Nous avons pu frapper la tête d’impiété sur son propre sol. Dieu nous a demandé de terroriser les mécréants, et nous avons terrorisé les mécréants ». Il y eut ensuite, en Europe, une succession interminable d’attentats. On ne peut les citer tous, ici, la liste serait trop longue : en France, l’attentat contre Charlie-Hebdo, puis celui du Bataclan, en 2015, sont dans les mémoires, etc… Mais on ne peut manquer de rappeler l’odieux assassinat de Samuel Paty, un professeur de collège trouvé décapité dans une rue aux abords de son établissement, et, tout récemment, l’assassinat à Arras, dans son lycée, d’un professeur, à nouveau.
L e ressentiment des musulmans :
Les différents éléments que nous venons de rappeler expliquent l’épigenèse du ressentiment qui habite les musulmans qui viennent s’installer dans nos pays, en Europe. Ces nouveaux arrivants se complaisent dans un monde victimaire : il y a une rancune, mêlée d’hostilité, car l’humiliation est au cœur de l’histoire politico-contemporaine du monde arabo-musulman..Le ressentiment pénètre, creuse, ronge les individus, nous dit Max Scheler, et il les incite à la vengeance : on veut se venger des injustices dont ont été victimes les générations précédentes. C’est une passion triste, et la psychanalyste Cynthia Fleury nous dit dans son ouvrage « Ci-git l’amer : guérir du ressentiment » (Gallimard, 2020) que pour en guérir, il est nécessaire d’effectuer un très gros travail sur soi. Or, très peu de musulmans qui s’installent dans nos pays le font, et ce d’autant moins qu’ils ont la fierté d’avoir triomphé des puissances occidentales qui avaient entrepris de les soumettre. Et ils sont encouragés dans le désir de rester eux-mêmes par le Conseil de l’Europe, à Strasbourg, qui a pour mission de veiller à la bonne application de la Charte des Droits de l’Homme. Le Conseil de l’Europe prône le multiculturalisme, et il a un tropisme islamique très marqué. Il incite, en permanence, les pays membres à accueillir sans réserve tous ces migrants qui ont besoin de quitter leur pays, et il considère qu’ils sont fondés à conserver leur identité et leurs mœurs, ceci au nom des articles 9 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, l’un affirmant « la liberté de pensée, de conscience et de religion », l’autre prônant la « liberté d’expression ». On a, par exemple, les résolutions ou recommandations suivantes :
Recommandation 1500 : « L’Assemblée estime que la présence d’immigrants et de résidents étrangers est un facteur à la fois enrichissant et positif pour les sociétés ».
Résolution 1162 : « Les musulmans sont chez eux en Europe » ; et cette résolution vante les mérites de la civilisation musulmane, louant « La contribution positive apportée par l’islam au développement des sociétés européennes ».Et elle affirme, plus loin, que : « L’islam, le judaïsme et le christianisme reconnaissent les mêmes valeurs ».
Résolution 1743 : Cette résolution veut nous rassurer et elle nous dit : « L’islam est une religion de paix ».
Et en novembre 2021 le Conseil de l’Europe a lancé une campagne en faveur du port du voile islamique par les femmes, une campagne intitulée « La beauté est dans le hijab ». La France a réagi très vigoureusement et cette campagne a ainsi été stoppée. On découvrit, en creusant la question, qu’avait agi en sous-main le Femsyo, une branche de l’UOIE qui est apparentée aux Frères Musulmans.
Intégration ou assimilation ?
Les avis sont partagés : les gens de droite continuent à prôner l’assimilation, car la France n’est pas un pays multiculturel. Ils campent sur les notions de patrie telles qu’elles ont été définies par Renan : c‘est le cas de Nicolas Sarkozy ,de François Fillon, de Bruno Le Maire….Les gens de gauche, eux, sont unanimement pour la créolisation, et c’est tout spécialement le cas de Jean-Luc Melenchon .Quant à Emmanuel Macron, il est, comme à son habitude, pour le « en même temps » :il a déclaré ,par exemple, à Causeur, en avril 2017 : « Je suis contre le multiculturalisme, mais pour l’intégration ».
On voit qu’avec l’importance que prend aujourd’hui l’affrontement Occident-Sud Global l’on va devoir se résoudre, dans notre pays, au multiculturalisme.
Nos musulmans français, pour les raisons que nous venons d’indiquer, n’ont aucune envie de renoncer à leur identité. On ne peut pas nier les réalités : un sondage IFOP en novembre 2020 indiquait, par exemple, que 57 % des jeunes musulmans considèrent que la charia, c’est à dire la loi musulmane, est supérieure aux lois de la République ; et un autre sondage nous apprenait que 75 % des Français se définissant comme musulmans se déclaraient favorables au port de signes religieux ostensibles. Toutes les jeunes générations issues de l’immigration s’élèvent contre l’oppression d’un Occident judéo-chrétien, impérialiste, et colonisateur, un Occident qu’ils diabolisent : ils savent parfaitement à quel monde ils appartiennent.
Claude Sicard, auteur de « Le face à face islam-chrétienté :quel destin pour l’ Europe », et « L’islam au risque de la démocratie », préface de Malek Chebel (Ed.François Xavier de Guibert)
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