Pourquoi les élites françaises ont-elles laissé se déliter notre pays ?

Pourquoi les élites françaises ont-elles laissé se déliter notre pays ?

 

 

C’est bien, là, une question fondamentale que l’on ne peut pas s’empêcher de poser. Notre pays, en effet, n’a pas cessé depuis une quarantaine d’années, de se déliter, tant sur le plan économique que sur le plan sociétal. Et les ouvrages sont nombreux à nous le dire, comme par exemple « Chronique du déclin français » (Albin Michel,2023) de Jacques Juliard, ou « La France au bord du gouffre (Edilivre, 2019) de Michel Parisot. Certes, avons-nous sans doute tendance à par trop glorifier notre passé, et c’est ce contre quoi nous met en garde Laurent Giovachini, qui nous dit dans son ouvrage « Les nouveaux chemins de la croissance » (Dunod, 2021) : « On a trop souvent une vision fantasmée de la grandeur d’autrefois ! » ; et cet auteur, pour illustrer sa pensée nous dit de la période faste que notre pays a traversée grâce au général de Gaulle : « Il a fait voyager la France en 1ere avec un billet de seconde ». Et il y a aussi ce très bon ouvrage d’ Ansel Philippe et Christian Saint Etienne : « Déclin ou Renaissance » (Economica, 2022).

 

Déliter signifie se « désagréger », se « fragmenter » : sur le plan économique, le déclin est certain, et nous allons montrer qu’il s’est amorcé après la fin de ce que Fourastié avait appelé « les Trente Glorieuses » ; et nous sommes toujours dans cette phase. Et pour ce qui est du déclin sur le plan social, on voit que notre pays, depuis la fin de la guerre d’Algérie, est soumis à des bouleversements anthropologiques extrêmement importants qui affaiblissent considérablement la nation : et, là aussi, malheureusement aucune lueur d’espoir ne se profile à l’horizon. Aussi les sondages d’opinion nous indiquent-ils que plus de 70 % des Français s’inquiètent pour leur avenir ; et dans une enquête menée par Brice Teinturier, de l’Institut IPSOS, on nous dit à propos de ce que les Français pensent de leurs dirigeants, que seulement 19 % déclarent avoir d’eux une bonne opinion : ils sont perçus comme « incompétents », « intéressés» et « fermés sur eux-mêmes ».

 

Le délitement de la France, au plan économique :

 

Les statisticiens des Nations-Unies ont publié en 2018 une étude dans laquelle ils ont examiné comment les économies des différents pays ont évolué dans la longue période. C’est, en effet, sur une longue période qu’il faut appréhender les évolutions des pays afin de se dégager des variations conjoncturelles qui masquent les tendances de fond. Nous reproduisons, ci-dessous, les données de cette étude pour les grands pays européens, en prolongeant les séries jusqu’en 2021, et en rajoutant le cas d’Israël qui est particulièrement remarquable :

 

On voit que tout au cours de cette période les performances économiques de notre pays ont été très inférieures à celles des autres pays européens : il aurait fallu, pour le moins, que l’on en soit au multiplicateur 4,0, sinon 4,5, et l’on en serait alors à des taux de dépenses publiques et de prélèvements obligatoires dans les normes de l’OCDE.

 

Ce qui s’est passé c’est que notre secteur industriel s’est considérablement amenuisé, au point que sa contribution à la formation du PIB est passée de 25 % en 1975 à 10 % actuellement. Et notre pays est, à présent, le plus désindustrialisé de tous les pays européens, la Grèce mise à part : en Allemagne ou en Suisse il s’agit de 23 % ou 24 % du PIB. Or, le secteur industriel est, des trois secteurs qui composent une économie, celui qui génère le plus de richesse et où le progrès technique augmente le plus rapidement. On a enseigné à nos élites, à Sciences Po et à l’ENA, la loi des trois secteurs de l’économie de Jean Fourastié, qu’il avait énoncée dans « Le grand espoir du XXe siècle », un ouvrage publié en 1949 qui eut un succès considérable, mais en l’interprétant très mal. Une société qui se développe passe, leur a-t-on expliqué, du secteur primaire, l’agriculture, au secteur secondaire, l’industrie, puis, ensuite, du secteur secondaire au secteur tertiaire, celui des services, et l’on en a conclu trop vite qu’une société moderne n’était plus constituée que par des  activités de services. Ce fut le cas, notamment, du grand sociologue Alain Touraine avec son livre « La société postindustrielle » paru chez Denoël, en 1969. Il fallait comprendre que dans une société moderne les effectifs du secteur secondaire vont, effectivement, en se réduisant, mais du fait du progrès technique ce secteur continue à être présent, représentant toujours 20 % à 25 % du PIB. Il apparut donc à nos dirigeants comme tout à fait naturel que notre secteur industriel s’amenuise, le rétrécissement de ce secteur étant le signe de la modernisation du pays. On concevait une société avancée comme étant une « société du savoir et de l’intelligence », les activités industrielles étant reportées sur les pays en voie de développement qui disposent d’une main d’œuvre abondante, pas chère, et corvéable à merci. En somme, on leur achèterait leurs productions et on leur vendrait nos savoir-faire et nos brevets. Il s’est trouvé que les pays sous-développés, et tout spécialement la Chine, contrairement à toute attente, ont su accéder à nos technologies, exigeant des transferts de technologie des firmes qui investissaient chez eux et envoyant leurs meilleurs élèves se former dans les grandes universités américaines, et l’on en est arrivé à la situation actuelle. La Chine est devenue l’usine du monde, et elle a aujourd’hui davantage de chercheurs que les États-Unis ; et elle est capable d’aller dans la lune.

 

La France est donc aujourd’hui, avec un secteur industriel considérablement réduit, un pays sinistré. Et l’on voit bien que tous les clignotants économiques sont au rouge  : un chômage important que l’on n’arrive pas à réduire depuis de très nombreuses années, une balance commerciale de plus en plus déficitaire, des dépenses sociales considérables bien plus importantes que partout ailleurs, des dépenses faites pour palier à l’appauvrissement de la population résultant de la désindustrialisation du pays, et un endettement qui a fini par devenir supérieur au PIB. Le gouvernement d’Emmanuel Macron a donc entrepris d’agir, mais bien tardivement. Il a lancé, en octobre 2021, le « Plan France 2030 » auquel la puissance publique va consacrer 54 milliards d’euros, un plan qui comporte une liste de réalisations nouvelles dont un certain nombre de réacteurs nucléaires de petite dimension. Mais ce plan est totalement insuffisant pour redresser la situation : il a un champ d’application limité, et les moyens de soutien prévus pour épauler les entreprises dans leurs investissements sont insuffisants. Il faudrait qu’il s’applique à tous les types d’industries, et que les mesures de soutien soient triplées, à l’image de ce que fait actuellement aux États-Unis le Président Joe Biden qui, de surcroît, a mis en place pour attirer les investisseurs des protections douanières.

 

Le délitement de la France, au plan sociétal :

 

Depuis la fin de la période coloniale des flux importants de migrants en provenance de nos anciennes colonies se déversent sur notre pays.. Originaires dans leur grande majorité de pays musulmans ces nouveaux arrivants installent l’islam dans notre pays et ils ne s’assimilent pas : un grand nombre d’entre eux s’intègrent sans s’assimiler, mais beaucoup ne font que s’inclure. Du fait que notre politique d’assimilation ne fonctionne plus, notre société est devenue hétérogène et son fonctionnement s’en trouve perturbé. Jérôme Fourquet nous dit, dans « L’archipel français » ( Seuil), paru en 2019 : « En quelques décennies tout a changé : depuis 50 ans les principaux ciments qui assuraient la cohésion de la société française se sont désintégrés ». Il explique que le soubassement philosophique constitué par le christianisme s’est effondré et que le pays est, désormais, « un  archipel constitué de groupes ayant leur propre mode de vie et façon de voir le monde ».

 

Nos dirigeants, et c’est eux qui sont en cause, ont agi comme si notre pays n’avait aucune expérience de l’islam :à croire que notre expérience algérienne n’aurait servi à rien ? Ils n’ont pas vu que l’islam est une idéologie conquérante qui veut imposer sa loi.De nombreuses sourates du coran incitent les croyants à combattre pour que s’étende l’islam dans notre monde. Contrairement au général de Gaulle qui avait renoncé à conserver l’Algérie afin que «  Colombey les deux églises ne devienne pas, demain, Colombey les deux mosquées » (citation d’Alain Peyrefitte) ils ont, en prenant sa suite, ouvert tout grand la voie a l’islam..

 

Dans un premier temps, ils ont pris le parti, pour rassurer la population, de présenter l’islam comme une religion de paix, une religion parfaitement compatible avec nos valeurs et nos principes démocratiques. On se souvient tout particulièrement de Jack Lang, qui a été ministre non seulement de l’Éducation mais aussi de la Culture, proclamant urbi et orbi, avec la fougue qu’on lui connaît  : « L’islam est une religion de paix et de lumière ».Tel a été, pendant des années, le discours officiel. Puis, les attentats islamiques se multipliant, nos dirigeants durent changer de langage. Il y eut en particulier, qui marqua un virage, l’odieux attentat du Bataclan à Paris, en 2015, qui fit 131 morts et 350 blessés. On entreprit alors d’expliquer aux Français que tous ces attentats étaient dus à des musulmans qui déforment leur religion : ce sont, expliqua-t-on, des « islamistes » qui veulent faire jouer à leur religion un rôle qui n’est pas le sien. On mit donc au ban de la nation les salafistes et les wahhabites qui pratiquent un « islam radical », en prétendant que leur islam n’est pas le bon: pourtant « salaf », dans l’islam, désigne les compagnons des premiers temps du Prophète Mahomet. Et, finalement nos dirigeants en vinrent à comprendre que l’islam, dans une société occidentale, perturbe le fonctionnement de la société, et ils en vinrent à demander au CFCM de s’atteler à la tâche consistant à faire naître un « islam de France », c’est à dire un islam qui soit compatible avec nos valeurs et nos principes républicains. Mais aussitôt le CFCM entreprit-il de s’engager dans cette voie qu’il explosa ; on n’a donc plus de CFCM, et toujours pas d’ « islam de France ». On en est là, actuellement : l’islam gagne sans cesse du terrain. Le nombre des mosquées se multiplie, de plus en plus de jeunes filles portent le voile islamique dans nos rues pour marquer leur différence, les boutiques halal se multiplient, et 50 % des animaux sont abattus dans nos abattoirs selon le rite islamique. Quel est le résultat de cette politique d’ouverture ? : la réponse nous est donnée par un sondage IFOP, de septembre 2020, qui indique que 57 % des jeunes musulmans français considèrent la charia, c’est-à-dire la loi islamique, comme supérieure aux lois de la République, soit 10 points de plus que dans le précédent sondage. Et le pays s’est fractionné comme l’a fort bien expliqué Jérôme Fourquet dans son livre « L’archipel français ». Tous les musulmans qui s’installent dans notre pays revendiquent le droit de conserver leur identité, et ils y sont encouragés par le Conseil de l’Europe auquel la France a adhéré en 1974. Cet organisme veille à la bonne application de la Convention européenne des droits de l’homme .Dans une de ses résolutions, la résolution 1743 datant de 2010, il est dit, à l’article 11  : « Les musulmans sont chez eux en Europe ».

 

Si l’on poursuit dans cette ligne, ce qui va se produire c’est, comme nous l’indique Claude Levi-Strauss dans « Race et Histoire », la naisssance d'« un pattern nouveau ». C’est à dire une mutation de notre civilisation vers un nouveau modèle civilisationnel. 

 

La question que l’on peut se poser est de savoir pourquoi nos dirigeants ont ouvert tout grand les portes à l’islam ? Notre échec face à l’islam en Algérie, pays que nous avons du quitter après 130 années de présence et dont nous avions tenté de faire une terre française avec trois départements aurait pu donner lieu a réflexion : la façon dont nous devions opérer aurait du donner lieu à de longs débats au Parlement, ce qui n’a pas été fait, alors qu’il s’agit d’un enjeu majeur pour l’avenir de la nation.

 

L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal qui voit l’islam à l’œuvre dans son pays nous dit, bien à regret : « Il a un coup d’avance ». Il faut garder en mémoire la conclusion à laquelle était parvenu dans son ouvrage en douze volumes « A study of History » cet immense historien des civilisations qu’a été Arnold Toynbee, mort en 1975, qui avait consacré son existence à l’étude des civilisations : « Les civilisations ne sont pas assassinées, elles se suicident ». 

 

Claude Sicard, auteur de « Le face à face islam chrétienté : quel destin pour l’Europe ? », et « L’islam au risque de la démocratie », préface de Malek Chebel (Ed. François Xavier de Guibert).

 

 

 




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