Pour que ne meure pas la langue française
Pour que ne meure pas la langue française
Modestement, comme je ne prétends être ni écrivain, ni journaliste, j'essaie d'écrire en langue française, sans autre ambition que de respecter le précepte de Nicolas Boileau:
Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Je ne suis pas tout à fait français, si je suis de toute façon francophone. D'aucuns me le reprochent... Il est vrai que je suis né en Flandre, que, sorte de Monsieur Jourdain de l'identité, j'ai longtemps été apatride sans le savoir, que j'ai obtenu tardivement la nationalité française, encore plus tardivement la nationalité suisse...
Je serais donc mal placé pour défendre la langue française... violentée naguère par la féminisation politique des noms et aujourd'hui par l'écriture inclusive. Alors, ne me sentant pas à l'aise pour le faire, je fais appel à d'autres, et non des moindres, pour plaider en faveur de la langue que j'aime: Jean-François Revel et l'Académie française.
Dans un article, paru il y a quelque vingt ans, le 11 juillet 1998, dans Le Point, intitulé Le sexe des mots, Jean-François Revel dit tout haut ce que je pense forcément tout bas. Dans cet article lumineux, il remarque que la querelle de la féminisation des mots découle du simple fait qu'en français le genre neutre n'existe pas.
Il en résulte qu'en français des féminins et des masculins sont purement grammaticaux, nullement sexuels. Jean-François Revel donne les exemples suivants: Un humain de sexe masculin peut fort bien être une recrue, une vedette, une canaille, une fripouille ou une andouille. De sexe féminin, il lui arrive d'être un mannequin, un tyran ou un génie.
Il ajoute, ce qui est le bon sens même, que certains substantifs se féminisent naturellement et d'autres pas, et donne des exemples que le lecteur intéressé peut découvrir en lisant son article. Avec toute sa sagesse d'académicien, il dit surtout:
L'usage est le maître suprême. Une langue bouge de par le mariage de la logique et du tâtonnement, qu'accompagne en sourdine une mélodie originale. Le tout est fruit de la lenteur des siècles, non de l'opportunisme des politiques.
Il conclut que les politiques, chez lesquels l'égalité des sexes ne progresse pas comme dans les autres métiers, ont choisi, en torturant la grammaire, de faire avancer le féminin faute d'avoir fait avancer les femmes...
Pour ce qui concerne l'écriture inclusive, que l'on voudrait imposer comme norme, j'attendais l'Académie française, avec plus d'espoir que les personnages de Samuel Beckett attendant Godot... L'honorable Compagnie vient de se fendre à ce sujet (lors de sa séance du 26 octobre 2017), d'une déclaration de laquelle j'extrais ce passage:
La démultiplication des marques orthographiques et syntaxiques qu’elle induit aboutit à une langue désunie, disparate dans son expression, créant une confusion qui confine à l’illisibilité. On voit mal quel est l’objectif poursuivi et comment il pourrait surmonter les obstacles pratiques d’écriture, de lecture – visuelle ou à voix haute – et de prononciation. Cela alourdirait la tâche des pédagogues. Cela compliquerait plus encore celle des lecteurs.
Dans son Discours sur l'universalité de la langue française, Antoine de Rivarol écrivait que ce qui faisait l'universalité de la langue française à son époque, c'était l'ordre et la construction de la phrase, qui lui donnaient sa clarté par excellence...
Les sectateurs de l'aberration inclusive devraient se souvenir, avec Rivarol, que ce qui n'est pas clair n'est pas français. Mais, peut-être le sont-ils moins, après tout, que je ne suis...
Francis Richard
Lausanne, le 29 octobre 2017
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