"Postures médiatiques" d’André Perrin
Par Thierry Foucart
Postures médiatiques 1 est un essai très critique de l’information diffusée par les chaînes de radio-télévision publiques, Médiapart, Le Monde, Libération etc. Son auteur, André Perrin, est agrégé de philosophie et un auditeur assidu de France culture et de France Inter. Il relève les incohérences et les contradictions des journalistes et de leurs invités dans les émissions culturelles avec une lucidité parfois cruelle, mais d’une logique quasiment toujours imparable. Ses principales victimes sont des journalistes, des universitaires, des chercheurs en sciences sociales, des féministes et plus généralement des idéologues de gauche. Il reprend la démarche de Julien Benda (La Trahison des clercs, 1927) et de Pascal Boniface (Les intellectuels faussaires, 2011).
Une de ses méthodes consiste à relever les contradictions des personnalités avec elles-mêmes. Voici quelques exemples :
Mathilde Panot, députée de la France Insoumise, a été qualifiée de poissonnière par un député LREM. Elle a exigé et obtenu des excuses et des sanctions, mais ne s’était pas privée en 2010 de publier le tweet suivant : « L’éborgneur C. Castaner, viré du ministère de l’intérieur pour son incompétence crasse, revient par la fenêtre en devenant président du groupe LREM à l’Assemblée. Encore une fois, la macronie recycle ses déchets » (p. 130-131).
L’actrice Adèle Haenel a violemment protesté contre le César attribué à Roman Polanski pour son film J’accuse, mais a déclaré dans une interview précédente que son auteur préféré était Céline : elle reconnaît la valeur de l’écrivain malgré son antisémitisme avéré mais réfute celle d’un cinéaste accusé de pédophilie (p. 35-41).
Perrin publie aussi une lettre signée de députées LFI accusant Alain Finkielkraut, qui avait ironiquement affirmé qu’il violait sa femme tous les soirs (!), d’incitation au viol. Mais ces mêmes députés n’ont pas dénoncé Adèle Haenel qui, en criant “Vive la pédophilie, Bravo la pédophilie ” après la cérémonie des Césars, a fait l’apologie de la pédophilie.
André Perrin ne se limite pas à ces exemples. Il les tourne en dérision, ajoute un commentaire en les prenant au mot : « aux yeux de cette représentante du peuple français [Mathilde Panot], il est bien pire d’être une poissonnière que d’être un déchet. On attend les réactions de l’UNPF (Union nationale de la poissonnerie française). »
Dans certains cas, il propose une analyse détaillée du fait à l’origine d’une déclaration qu’il cite. Sa “lettre à un ami sur les violences policières, la dérive autoritaire et la démocratie” est une analyse rationnelle sur 20 pages d’un article de Médiapart sur ce sujet. Il détaille en 25 pages l’affaire Polanski, dans lesquelles il explique les procédures en cours et passées, et dont la lecture donne une vision complètement différente de celle des féministes. Son article sur la défense de Taha Bouhafs par Daniel Schneidermann est particulièrement féroce.
On pourrait penser qu’André Perrin est un auteur engagé dans le libéralisme. Si les chaînes du secteur public sont les seules visées, c’est tout simplement parce qu’il n’écoute jamais celles du secteur privé. Il déclare avoir voté trois fois pour François Mitterrand, en 1965, 1981 et 1988.
Il montre ainsi qu’on peut être de gauche et intègre, mais que ce n’est pas toujours le cas, et que la certitude d’avoir raison donne une justification à la malhonnêteté. Ce n’est pas tout à fait exact : c’est la certitude de savoir qui explique la volonté d’imposer ses idées et les raisonnements fallacieux.
1 Éditions L’Artilleur, 2022. Cet essai rassemble des chroniques publiées régulièrement dans la revue trimestrielle Commentaire. .
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