L'Occident a Besoin d'un Changement Politique Radical Vers la Liberté
Par Finn Andreen, mai 2024
Cet article est un complément et un ajout à une série de brillants et importants entretiens entre Edouard Husson et Eric Verhaeghe du Courrier des Stratèges, sur les conditions et la possibilité d’un changement politique radical en Occident. X
Il n’a surement pas échappé à ceux qui sont politiquement conscients, que les menaces à la liberté dans les sociétés occidentales sont maintenant sans précédent. Cela va bien au-delà des pressions interventionnistes, qui au fil du temps lentement suffoquent la plupart des économies occidentales. L’ élite oligarchique occidentale est décidée à mettre en œuvre ce qu'un blogueur influant a décrit comme « une société hermétiquement scellée contre toute forme de rébellion, de dissidence, ou de remise en question de la structure de pouvoir imposée par la classe dirigeante ».
Cette situation est suffisamment grave pour avoir réveillé une partie de la "majorité désorganisée et mal informée", pour utiliser l’expression de l’historien sicilien Gaetano Mosca. La disponibilité d’information non censurée et d’analyse impartiale sur Internet ont accéléré la perte de crédibilité des grand médias traditionnels et la perte de confiance dans les dirigeants politiques. Sans surprise, des mesures exceptionnelles sont actuellement prises par la minorité dirigeante occidentale pour freiner et museler la liberté d'expression.
Ce serrage de vis par une élite mondialiste prête à tout pour mettre en œuvre son ordre du jour de contrôle, est à la fois une cause et une conséquence de cette prise de conscience, partielle et progressive, par les occidentaux, que leurs droits déjà érodés sont maintenant menacés, peut-être de manière irréversible. En d'autres termes, c’est parce qu'une partie de la majorité occidentale s'éveille à ces tentatives supplémentaires de la contraindre, que la minorité dirigeante redouble d’efforts. Plus transparente que jamais, elle tente depuis quelques années d'accélérer la réalisation de ses objectifs autoritaires. Cela renforce à son tour la réaction de la majorité, provoquant ainsi un cercle vicieux et des tensions sociales croissantes.
Il devient clair qu'un changement politique radical est urgent en Occident, afin de desserrer l'emprise mondialiste sur l'agenda politique national et international. Ce qu'il faut espérer, au minimum, c'est un retour éventuel aux états-nations du XIXème siècle, avec leurs gouvernements de tailles réduites, bien plus respectueux des droits individuels.
La Violence Politique est peu Susceptible de Fonctionner
Quand un changement politique radical est évoqué, la révolution "classique" vient à l’esprit ; le renversement violent du gouvernement, conduisant à des changements politiques et sociaux profonds. Mais ceci est peu probable aujourd'hui en Occident, car il faut des gens déterminés, désespérés et idéalistes pour risquer leurs vies pour une Cause. Il y a peu de signes qu'une population occidentale vieillissante et relativement aisée se tourne vers la violence politique lorsque ses droits de propriété et sa liberté d'expression sont bafoués.
En outre, non seulement les révoltes armées réussies conduisent souvent à une réduction de la liberté, mais elles se produisent généralement à des moments où les armes à la disposition du « peuple » sont équivalentes à celles utilisées par l'État, comme l'a théorisé l'historien Carroll Quigley. Aujourd'hui, l'État hyper-armé a une telle supériorité dans l'usage de la violence qu'une telle voie pour un changement politique radical semble peu probable aussi pour cette raison.
Pourtant, un changement politique radical exige inévitablement de fortes dissensions sociales. Bien que la violence politique soit parfois un déclencheur de ce changement, elle n’est généralement que l'expression graphique et superficielle d'une opposition non-violente plus profonde contre la minorité dirigeante en place.
L’Importance de l'Opinion Publique et Non des Elections
Il n’est pas possible de compter sur le processus démocratique pour renverser les politiques coercitives qui sont imposées d’en haut. Premièrement, la minorité dirigeante actuelle est pour la plupart non élue et non partisane. Deuxièmement, si des élections parlementaires permettent parfois à un parti politique anti-établissement de passer à travers les mailles du filet médiatique, d'obtenir une majorité ou de former un gouvernement, ceci est rare et un tel parti tend alors à rapidement s'aligner sur le pouvoir politique déjà établi.
La démocratie a été utilisée par la minorité dirigeante comme un outil pour donner à ses politiciens une aura de légitimité. Comme l'a noté Mosca, cette minorité a historiquement cherché à justifier sa domination sur la majorité par une « formule politique ». Dans une démocratie parlementaire, cette formule est la « démocratie » elle-même ; un « règne du peuple » idéalisé mais largement fictif. Comme l'écrivait Mosca dans son chef-d'œuvre, La Classe Dirigeante : « La participation du peuple aux élections ne signifie pas qu'il ait une emprise sur le gouvernement, et que la classe de gouvernés choisissent réellement les membres de la classe des gouvernants. ».
Plus important que le suffrage pour le changement politique est l'opinion publique, ce que beaucoup de penseurs passés ont reconnu. Comme Ludwig von Mises écrivit dans L'Action Humaine, « les gouvernants, qui sont toujours une minorité, ne peuvent rester durablement en fonction s'ils ne sont pas soutenus par le consentement de la majorité des gouvernés ». Tout pouvoir politique, même le plus tyrannique, repose sur le soutien passif de la majorité, comme le jeune Etienne de la Boëtie reconnut dans son célèbre ouvrage de 1577, De la Servitude Volontaire. Il y écrivit qu’ « il n'y a pas besoin de combattre [le tyran], ni même de se défendre de lui; il est vaincu par lui-même à condition que le pays ne consente pas à la servitude. Il ne s'agit pas de lui prendre quoi que ce soit, mais seulement de ne rien lui donner. »
Drainer la Minorité Dirigeante de Soutien
La minorité actuellement au pouvoir en Occident a donc besoin du soutien continu de la majorité sur laquelle elle règne avec un tel sentiment d'impunité. Mais ce soutien pourrait diminuer si la majorité comprenait qu'elle a été trompée et escroquée pendant des décennies par cette minorité moralement décadente et étatiste. Comme écrivit avec sagesse Mosca : « Une classe dirigeante qui peut tout se permettre et qui peut tout faire au nom d'un souverain subit une véritable dégénérescence morale. C'est cette dégénérescence, commune à tous les hommes dont les actes sont exempts de contraintes et de contrôles, qui leur impose d'ordinaire l'opinion et la conscience de leur semblables. »
Ce que Mosca voulait dire, c'est qu'inhérent à toute société il existe un mécanisme, quelque peu contre-intuitif, mais auto-régulateur en faveur de la modération du pouvoir politique. Les tyrannies ne durent pas. Si la minorité au pouvoir est assez sage (ou maline) pour tempérer sa volonté de puissance, sa domination sur la majorité peut se poursuivre, mais de façon limitée, encadrée. Cependant, si elle va trop loin et tente d'imposer une politique de contrôle, si coercitive qu’elle réduit fortement la liberté individuelle, cette minorité peut bientôt devenir victime de son propre « succès », en retournant l'opinion publique contre elle. Lorsque cela se produit, la minorité dirigeante perd la « servitude volontaire » dont elle a besoin pour se maintenir au pouvoir.
Compte tenu de l'agenda autoritaire qui est aujourd'hui imposé de manière agressive – et même de manière désespérée et imprudente – l'élite oligarchique occidentale a sans doute perdu une grande partie de cette sagesse restrictive et de cette modération politique qu'elle avait pu avoir auparavant. En même temps, la "soumission implicite" de la majorité, pour citer David Hume, est aussi remise en question grâce à l'accès numérique sans précédent à l'information et à l'analyse indépendantes. Cela représente une menace significative pour une minorité dirigeante qui pendant longtemps contrôlait et même modelait l'opinion publique en Occident.
Ainsi, un changement politique radical se produit lorsque la minorité au pouvoir perd le soutien passif de la majorité dont elle jouit d’habitude. Lorsque l'opinion publique commence à s'éloigner considérablement des dirigeants et des institutions existants, une nouvelle minorité peut alors accéder au pouvoir, selon le concept de Vilfredo Pareto de la circulation des élites ; une minorité plus respectueuse des droits de la majorité. C'est l'idée qui sous-tend la phrase suivante de la Déclaration d'Indépendance des États-Unis : « Chaque fois qu'une forme de gouvernement devient destructrice de ces fins [de liberté], c'est le droit du peuple de la modifier ou de l'abolir. »
Il est grand temps de mettre ces mots en pratique en Occident, afin d’arrêter de toute urgence le programme autoritaire actuellement en cours. Cet objectif n'est peut-être pas aussi distant qu'il n'y paraît, puisque déjà aux États-Unis, la majorité rejette déjà largement les valeurs et les politiques émanant de la minorité dirigeante bipartisane. De plus, la période actuelle de déclin économique et géopolitique sans précédent pour l'Occident dans les affaires internationales peut ouvrir une fenêtre d'opportunité dans ce sens. La minorité dirigeante responsable de la coercition croissante en Occident, mérite d’être discréditée et déchue par un changement politique radical, au nom de la liberté.
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