« Libérer la politique du logement »
En France, la politique du logement est interventionniste depuis très longtemps. Elle a été marquée ces dernières années par une nouvelle inflation bureaucratique et normative : ainsi la loi ALUR a compté pas moins de 177 articles ; en 15 ans, les réglementations techniques nationales et les exigences extra légales des communes sont responsables d’un tiers de l’augmentation des coûts de construction, la fiscalité rattachée au logement a progressé de 37 milliards d’euros par an à 63 milliards entre 2000 et 2013, … Cet interventionnisme se mesure aussi aux dépenses publiques consacrées au logement : 41 milliards d’euros soit 2% du PIB c’est deux fois la moyenne européenne et trois fois ce que consacre l’Allemagne ou l’Italie.
1. Les prestations sociales auprès des locataires : 21 milliards d’euros
Il s’agit essentiellement des aides personnelles au logement : APL, ALS, ALF. Elles s’élèvent à 19 milliards d’euros et leur budget ne cesse de progresser : il représente aujourd’hui plus que les allocations familiales ou le RSA socle. Mais ces aides dans leur fonctionnement et dans leurs interactions avec les autres prestations sociales recèlent de nombreux effets pervers :
Elles sont certes plafonnées, mais en deçà elles restent proportionnelles au loyer ce qui leur confère un caractère inflationniste. Plus le loyer augmente plus l’aide augmente. Comme c’est un dispositif qui fonctionne en tiers payant, le bailleur connaît les éléments de revenus du locataire ce qui peut permettre d’ajuster le loyer en fonction de l’aide qu’il sait que le locataire percevra.
L’autre problème c’est l’inégalité qu’elles génèrent entre locataires du parc social et du parc privé. Puisque le locataire du parc privé verra son reste à charge bien plus important (en raison du plafonnement). C’est donc un double avantage pour le locataire en HLM.
Basées sur une déclaration de revenu et de taille du ménage difficile à contrôler, ces aides sont propices aux fraudes
Enfin ces aides s’articulent mal avec les autres aides sociales créant des effets de seuil.
C’est pour cela que la Fondation iFRAP propose une réflexion plus large sur l’allocation sociale unique qui permettra de fusionner les 90 dispositifs d’aides sociales sous condition de ressources en une aide unique, centralisée, plafonnée et fiscalisée au nom du principe qu’un euro d’aide publique doit être fiscalisé comme 1 euro de revenu.
2. Le logement social : 9,6 milliards d’euros
Le second pilier de la politique publique du logement c’est le soutien aux bailleurs sociaux : cela se traduit par 9 milliards d’euros d’aides publiques annuelles. Ces aides sont directes (aides à la pierre) et indirectes (exonérations d’impôt). Elles comprennent également des subventions (ANRU, 1% Logement) et des aides des collectivités locales. A ces 9 milliards d’euros d’aides sociales viennent s’ajouter les 7 milliards d’euros d’aides personnelles au logement que perçoivent directement les bailleurs sociaux. Enfin il faut tenir compte des prêts à taux préférentiel de la Caisse des dépôts et consignations sur les fonds d’épargne issus du livret A (250 milliards d’euros d’encours pour le livret A en 2016).
La France compte 17% de logements sociaux, c’est deux fois la moyenne européenne et nettement plus que l’Allemagne qui n’en compte que 4,6%. Au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou en Suède, qui comptent plus de logements sociaux que nous, un mouvement de banalisation des bailleurs sociaux et d’alignement sur les bailleurs privés est en marche afin de réduire les distorsions de concurrence mais surtout le poids dans les finances publiques.
En France, la doctrine en matière de logements sociaux c’est la loi SRU avec son article 55 qui impose dans les communes de plus de 3500 habitants (plus de 1500 habitants en Ile-de-France) 25% de logements sociaux. Cette loi a été complétée par la loi DALO et les récentes loi de mobilisation du foncier public et loi Egalité et Citoyenneté. L’objectif c’est de permettre à tous d’avoir un toit avec un taux d’effort raisonnable. Malgré les moyens mis en œuvre, on constate que le nombre de demandeurs augmente régulièrement jusqu’à atteindre 1,875 million en 2015. Dès lors se pose la question : comment face à cette progression des demandes concilier logement des plus défavorisés et mixité sociale (car 66% des Français sont éligibles au logement social), comment concilier, l’extension du parc social (puisque le taux de mobilité dans le parc social est très faible : 9% contre 29% dans le secteur libre) et développement de l’accession et du parc locatif privé, sur des terrains toujours moins nombreux en raison de la rareté organisée ?
D’où le titre provocateur de notre étude « stopper la création de logements sociaux » :
D’abord, il y a manifestement des endroits où on n’a pas besoin de construire : ainsi dans les zones détendues on observe parfois un taux de vacance allant jusqu’à 10%, à Saint-Etienne pourtant concerné par la loi SRU, le taux de vacance atteint 7%. La récente loi égalité et citoyenneté a d’ailleurs mis un bémol à la construction dans ces zones.
Dans d’autres endroits on en a manifestement trop : 59% à Stains, 57% à Bobigny, 56% à Sarcelles, etc. Cette concentration de populations précaires a conduit aux ghettos que l’on connaît. Aujourd’hui, on voudrait croire que par des lois on va favoriser la mixité à travers des « politiques de peuplement », terme employé dans la loi Egalité et Citoyenneté. Mais cette mixité ne se décrète pas car le logement s’inscrit dans un environnement global où interviennent les transports, la sécurité, l’école, politiques publiques qui ont été défaillantes ces dernières années.
Enfin reste le cas un peu particulier de Paris où on constate que dans le parc locatif privé, les baux moyens sont de 21,8€/m² contre 5€/m² dans le parc locatif social : de ce fait personne ne quitte le parc social et il en faut toujours. Or à Paris le parc augmente très peu (1000 unités environ annuelles). Pour répondre à la forte demande en logements sociaux, la ville conventionne des logements du parc libre et le réduit d’autant ; même phénomène dans la construction neuve où la loi impose d’inclure 25% de logements sociaux. Ces dispositions contribuent mécaniquement à faire baisser le parc libre au profit du parc social et renchérir les prix dans le parc libre et les logements neufs. Pour tenter de contrecarrer cette tendance le gouvernement a imposé l’encadrement des loyers mais avec des résultats encore très incertains à ce jour (baisse des loyers les plus abusifs mais aussi retrait du parc locatif, mise en vente, etc.)
Notre proposition est d’entièrement revoir la politique du logement social en France : supprimer l’art.55 de la loi SRU, redéfinir le rôle des HLM en réservant à l’accueil des plus défavorisés ; revendre les logements sociaux à leurs occupants ou à des bailleurs privés ; revoir les règles de droit au maintien dans les lieux et les plafonds ; inciter les bailleurs à vendre les logements à l’issue de la période de conventionnement de façon à renouveler le parc HLM ; supprimer le 1% logement.
3. Dernier axe de la politique du logement : l’encouragement à l’acquisition et l’incitation fiscale à l’investissement locatif privé : 9,8 milliards d’euros
Les investisseurs privés se sont progressivement détournés du marché locatif. C’est l’encadrement des relations bailleurs/locataires dans les années 80, puis la multiplication des possibilités de recours dans les procédures d’expulsion et aujourd’hui le contrôle des loyers, qui ont contribué à rigidifier le marché locatif privé. Pour pallier cette désaffection et parce que le logement social ne peut pas tout, les pouvoirs publics ont multiplié les dispositifs d’incitation fiscale au motif que le secteur de la construction est bon pour l’emploi et qu’il rapporte beaucoup en impôts et taxes. Pour les institutionnels en revanche le cadre législatif reste aussi contraignant sinon plus (encadrement des ventes à la découpe et droit de préemption des communes) sans bénéficier des avantages fiscaux des particuliers. Au final ils sont sortis du marché locatif, qui est pourtant un compartiment prisé d’investissement dans d’autres pays d’Europe.
Notre proposition : baisser la fiscalité immobilière (en particulier la fiscalité sur les transactions) et encourager le retour des institutionnels, créer un droit réciproque dans le contrat de bail de résiliation unilatérale au terme du bail, accélérer les procédures de jugement (voir l’exemple canadien), supprimer l’encadrement des loyers.
L’autre point essentiel sur lequel il faut agir c’est l’inflation réglementaire qui contribue à rendre le foncier difficilement disponible : entre les différents échelons locaux qui ont en mains la compétence logement, les restrictions de construction sur les zones protégées, les normes techniques, l’espace qui est pourtant un atout de notre pays ne rend pas notre foncier moins cher. Le logement est un facteur d’efficacité économique.
Un marché du logement fluide permet la mobilité des actifs. A l’inverse une politique qui fige les situations par le biais de rente ou de coûts de mutation entrave le marché du travail. Cela implique de remettre en cause le rôle généraliste du logement social et d’encourager les bailleurs privés à réinvestir le marché du logement pour favoriser les parcours résidentiels. La Fondation iFRAP estime qu’il sera ainsi possible de baisser le poids des aides publiques au logement dans le PIB, de rendre le marché du logement plus efficace et de rendre à la très grande majorité des citoyens leur liberté et leur responsabilité de choisir leur logement.
Regardez la
vidéo de la conférence de Sandrine Gorerri
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