La fragmentation croissante de la société française : quelle solution ?
La fragmentation croissante de la société française : quelle solution ?
« Personne ne possède l’autorité nécessaire pour réformer l’islam »
(
Article paru sur Figarovox, le 8 octobre 2020)
La fragmentation de la société :
Emmanuel Macron, en accédant à la magistrature suprême, s’est trouvé avoir à faire face à un problème majeur, la fragmentation de notre société, une fragmentation de plus en plus profonde causée par l’installation dans notre pays, depuis la fin de la période coloniale, de très nombreuses populations immigrées issues des anciennes colonies, des populations de religion musulmane. La France est ainsi devenue, peu à peu, une société hétérogène au plan ethnoculturel. Jérôme Fourquet nous dit, dans « L’archipel français » paru en2019: « Depuis 50 ans les principaux ciments qui assuraient la cohésion de la société française se sont désintégrés ». Il explique que le soubassement philosophique constitué par le christianisme s’est effondré et que le pays est, désormais, un « archipel constitué de groupes ayant leur propre mode de vie, leurs propres mœurs, et leur propre vision du monde ». Et ce phénomène de fragmentation de la société s’est doublé, progressivement, d’un accroissement de la violence, une violence souvent issue du fanatisme extrême de certains croyants islamiques
Notre président a finalement prononcé aux Mureaux, le 2 Octobre dernier, son discours sur les problèmes que pose l’islam à notre société, un discours dont il a dû, à plusieurs reprises, repousser la date du fait de la difficulté extrême pour le chef d’un État laïc à se prononcer sur un sujet aussi délicat .Il a dévoilé les mesures que contiendra le projet de loi qui sera discuté, en décembre, en Conseil des ministres en vue d’être soumis au vote des députés. On ne peut que se féliciter des positions qu’il prend à l’égard de l’islam radical, et se réjouir de l’arsenal législatif qu’il envisage de mettre en place. Mais lui-même est tout à fait conscient que « nous ne terrasserons pas l’islam radical en un seul jour ». Nous n’avons pas d’autre arme à notre disposition, a-t-il dit, que « de faire entrer la République dans le concret des vies » et d’instiller chez tous « un patriotisme républicain »,des armes dont la portée est évidemment très limitée .Ces différentes mesures vont permettre, sans doute, de brider quelque peu le développement d’un islam radical dans notre société, mais elles ne pourront en aucune manière régler les problèmes de fond.
Il s’agit d’un combat extrêmement difficile, dont l’issue, il faut en prendre conscience, est tout à fait incertaine.
Il faut bien prendre conscience, en premier lieu, de la difficulté existant pour bon nombre de migrants venant s’installer dans notre pays, sinon de s’assimiler, pour le moins de s’intégrer. La confrontation avec une société qui n’est pas la leur amène, inévitablement, ces nouveaux arrivants à s’interroger sur leur identité. S’assimiler signifie changer d’identité pour adopter celle du pays d’accueil. S’intégrer, c’est accepter de se fondre dans la société d’accueil sans en troubler le fonctionnement tout en conservant son identité. Et il y a une troisième attitude possible qui se nomme l’ « inclusion » : elle consiste non seulement à conserver son identité mais aussi à refuser de se conformer aux us et coutumes du pays d’accueil, en sorte que l’on trouble son bon fonctionnement. Ces personnes qui refusent d’adopter l’identité qui est celle des habitants du pays où ils s’installent pour y faire leur vie sont plus ou moins habitées par des ressentiments à l’égard du pays d’accueil. Le ressentiment est une passion forte, nous disent les psychologues : il renforce l’identité d’une personne ou d’un groupe. C’est un acte de mémoire qui forge une personnalité, un phénomène qu’explique bien la philosophe Simone Weil qui nous dit : « Nous ne possédons d’autre sève que les trésors hérités du passé, assimilés, recréés par nous. De tous les besoins de l’âme humaine, il n’y en a pas de plus vital que le passé ». L’identité résulte bien de la mémoire, elle se définit à partir de la lignée dans laquelle un individu, plus ou moins consciemment, s’inscrit. Et Marc Ferro, dans son ouvrage « Le ressentiment dans l’Histoire » paru en 2007, nous incite à prendre conscience que « la reviviscence de la blessure passée est plus forte que toute volonté d’oubli ».
La question de l’identité est tout à fait centrale dans les problèmes d’intégration de migrants dans une nouvelle société, une société qui n’est pas la leur, et les commentateurs de la vie publique dans notre pays négligent par trop ce phénomène. Dans le cas de notre pays qui accueille chaque année de très nombreux migrants il faut donc bien comprendre quelles sont les causes potentielles de ressentiment chez ces personnes qui sont originaires soit des
pays musulmans circumméditerranéens soit des pays d’Afrique sub-saharienne, des migrants, eux aussi, d’ailleurs, de religion musulmane dans leur grande majorité.
Pour ce qui est des musulmans, tout d’abord :
Les causes de ressentiment sont multiples chez ces personnes: elles relèvent à la fois de leurs croyances religieuses, de la tumultueuse histoire des pays européens et des pays musulmans, et, aussi, de la rivalité existant entre leur civilisation et la nôtre, l’une ayant pour fondement l’islam, l’autre le judéo-christianisme. De surcroît, dans le cas particulier de notre pays il s’y rajoute son passé colonial. En premier lieu, donc : l’islam et le coran. Le Prophète Mahomet a dit aux croyants que les juifs et les chrétiens (les « gens du Livre ») sont dans l’erreur : on les admet dans une société musulmane mais en en faisant des citoyens de second rang pour qui l’accès à des postes importants est interdit. L’islam les appelle des « dhimis » et il les soumet à une fiscalité totalement dissuasive. Et bon nombre de musulmans particulièrement croyants déduisent trop vite du livre saint de l’islam qu’il faut les combattre. Puis, la longue histoire de nos pays respectifs : pendant des siècles il y eut des luttes entre les deux mondes pour des conquêtes de territoires. Ce fut l’invasion par les cavaliers d’Allah, sitôt après la mort du Prophète, d’une bonne partie de l’empire romain qui était devenu chrétien, ensuite les Croisades, puis l’arrivée des Turcs, par deux fois jusqu’à Vienne, qu’il fallut repousser et cela fut long et difficile, etc….Et, enfin, la rivalité entre les deux civilisations : la musulmane qui avait été florissante jusqu’au XIe siècle se trouva éclipsée par la montée en puissance de la civilisation occidentale qui est devenue, au désespoir des musulmans, dominante à partir de la Renaissance. Il se rajoute à tout cela les conquêtes coloniales de notre pays au XIXe siècle, un épisode qui s’est achevé par les luttes menées avec succès, à la fin du siècle dernier, par les pays musulmans qui étaient sous domination française pour acquérir leur indépendance, le point d’orgue étant constitué par la douloureuse guerre d’Algérie qui s’est achevée en 1962 par l’accès de ce pays à son indépendance, ce que les Algériens interprètent comme une victoire militaire de leurs glorieux combattant FLN sur l’armée française.
Pour ce qui est des ressortissants des pays d’Afrique noire, ensuite :
Le ressentiment a pour origine bien connue
la traite des noirs, aux XVIIe et XVIIIe siècles, pour mettre en valeur les colonies du nouveau monde. Il s’était organisé un commerce triangulaire : des armateurs partaient d’Europe avec des breloques avec lesquelles ils achetaient des esclaves sur les côtes africaines ; ils les transportaient ensuite aux Amériques, et, au retour, ils ramenaient de ces pays des produits qui n’existaient pas en Europe. Cela fit la fortune de nombreux ports en Europe, et en France de villes comme Nantes, Bordeaux ou la Rochelle. On transportait ces personnes dans des bateaux de 140 à 200 tonneaux, capables d’embarquer 600 esclaves. Les voyages, pour traverser l’Atlantique, duraient un peu plus de deux mois, dans des conditions déplorables, en sorte qu’il y avait dix à quinze pour cent de décès en cours de route. On estime aujourd’hui que cette traite des noirs a concerné environ 12 millions d’Africains. La première abolition de l’esclavage a été proclamée le 29 Aout 1793, à Saint Domingue, et elle a été confirmée, aussitôt, à Paris. Les Africains considèrent qu’ils ont été victimes d’un double holocauste, comme ils l’ont proclamé à la première conférence mondiale, à Lagos, sur « Les réparations aux Africains » : la traite des noirs et le colonialisme.
Le problème pour la France :
La France, donc, se trouve aujourd’hui confrontée au problème de savoir comment il convient de se comporter pour intégrer correctement dans la société tous ces nouveaux arrivants qui, pour un certain nombre, se trouvent animés de ressentiments à l’égard de notre pays. Les psychologues nous disent que le ressentiment induit de la haine, et celle-ci impulse un désir de vengeance. C’est ainsi que le tueur Amedy Coulibaly avait dit à la caissière qu’il menaçait de mort lors de l’attentat à l’Hyper Cacher de Vincennes, en janvier 2015 : «Tu ne penses pas que je fais ça pour l’argent …..Vous êtes, juifs et Français, les deux choses que je déteste le plus » (Témoignage de Zarie Sibony au procès des tueurs de Charlie Hebdo).
L’assimilation, tout d’abord : elle est impossible, aujourd’hui, bien que ce soit la politique traditionnelle de notre république qui est « une et indivisible ». Elle est impossible car elle implique chez les individus un changement d’identité, et la Convention européenne des Droits de l’Homme, la CEDH, à laquelle la France a adhéré le 3 Mai 1974, s’y oppose, garantissant aux individus le droit de conserver leur identité où qu’ils soient. La recommandation 1500 de cet organisme dit, dans son article 3, d’une manière quelque
peu surprenante : « Les musulmans sont chez eux en Europe ».Donc, plus question de prôner une politique d’assimilation.
Reste l’intégration, une solution dans laquelle les nouveaux arrivants conservent leur identité. On parle alors d’ « interculturalisme », et c’est la solution préconisée par l’ Union Européenne qui nous dit que c’est la seule approche possible. On se voit donc contraint d’admettre le multiculturalisme, mais encore faut- il parvenir à ce que les personnes animées de rancœurs à l’égard de notre pays puissent les évacuer : les voyous musulmans des banlieues appellent, comme on le sait, leurs concitoyens des kouffars, c’est-à-dire des incroyants, une injure suprême pour des musulmans..
Les autorités du pays ne savent pas comment s’y prendre : réhabiliter
le colonialisme parait impossible alors qu’il comportait une très large part d’aspects très positifs, et Jules Ferry l’avait promu au nom de « la noble mission civilisatrice de notre pays ». Et expliquer que l’esclavage est vieux comme le monde, ce qui n’exclue pas que l’on doive
le condamner, ne mène à rien.
On a donc pensé que la solution consisterait à manifester de l’empathie envers les descendants de ces victimes du colonialisme et de la traite des noirs, et l’on en est même venu à faire notre mea-culpa. On a imaginé que l’on se concilierait ainsi la sympathie de tous ces nouveaux arrivants, et aux Etats-Unis certains représentants officiels en sont même venus à mettre un genou à terre pour s’excuser.
Nous nous bornerons, ici, à donner quelques exemples des manifestations d’empathie envers les nouveaux arrivants qui viennent s’installer dans notre pays: il s’agit, souvent même , d’importantes concessions.
Pour ce qui est des musulmans : développement de la langue arabe dans nos écoles, comme l’a encore préconisé récemment le ministre Jean-Michel Blanquer, aides financières accordées souvent par des municipalités pour la construction d’une mosquée sur leur territoire en confondant volontairement les activités culturelles avec les activités cultuelles, financement à 60 % par des fonds publics de l’Institut du Monde arabe à Paris comme si les pays du Golfe étaient dépourvus de moyens financiers , nomination de Madame Najat Vallaud-Belkacem , une personne d’origine musulmane dotée d’une double nationalité , comme ministre de l’Education Nationale qui a réformé très curieusement les programmes, ce qui a amené le commentaire suivant de Pierre Nora : « On y voit une forme de culpabilité nationale qui fait la part belle à l’islam, aux traites négrières, à l’esclavage, et qui tend à réinterpréter l’ensemble du développement de l’Occident et de la France à travers le prisme du colonialisme et de ses crimes », etc….
Pour ce qui est des personnes d’origine africaine : la loi Taubira du 21 mai 2001 déclarant qu’il faut donner une place « conséquente » dans nos programmes d’enseignement à l’histoire de l’esclavage ,loi qui rappelle dans son article 1 que l’esclavage fut un crime contre l’humanité .Et, aussi, l’édification d’un mémorial dans la baie de Pointe à Pitre, en Guadeloupe, le mémorial ACTe, en mémoire de la traite et de l’esclavage, projet initié par Jacques Chirac et inauguré ensuite par François Hollande le 10 mai 2015 : il s’agit aujourd’hui du centre le plus important dans le monde dédié au souvenir de la traite négrière et de
l’esclavage. Ou, encore, le 10 Mai déclaré depuis 2001 « Journée nationale de commémoration de la traite et de l’esclavage », etc…..
Et pour pacifier la société le gouvernement s’est attaché à promouvoir une pensée uniforme, une bien-pensance officielle, en promulguant des lois qui permettent de neutraliser tous les opposants à la vision qui est la sienne de notre société. La France est devenue ainsi un pays où l’on traque les mal-pensants.
Toutes ces dispositions prises par les autorités du pays ne font qu’entretenir les ressentiments des personnes issues du monde arabe ou des pays africains : elles justifient et valident leurs rancœurs, et c’est tout à fait curieux qu’on ne l’ait pas vu, jusqu’ici.
Nous sommes, en fait, piégés par la Convention européenne des Droits de l’Homme, et personne n’osera jamais, dans notre pays, avancer l’idée qu’il faudrait la quitter. Certains immigrés s’assimilent, d’autres s’intègrent, mais un nombre de plus en plus important ne font que s’inclure. On se souvient que Charles Aznavour avait confié à un journaliste que pour devenir Français il avait dû renoncer à une partie de son « arménité » : un très instructif témoignage sur le phénomène de changement d’identité, mais il est vrai qu’il était chrétien d’origine.
Quelle solution?
On ne voit donc pas quelle solution l’on pourrait trouver pour résoudre les problèmes de fractionnement de notre société auxquels procède l’islam pris dans sa version littérale. Il faudrait que les musulmans français adoptent un islam réformé, et c’est bien ce que le fameux islamologue Malek Chebel, malheureusement décédé trop tôt, avait appelé « un islam des Lumières »,une expression qu’ Emmanuel Macron a reprise dans son discours des Mureaux. Et, précisément, dans le projet de formation en France des futurs imams évoqué par notre président dans son discours, il a été question de la création d’un Institut nouveau qui serait créé à cet effet : mais pour former ces nouveaux imams il va se poser le problème de savoir sur quel corpus cela va se faire ? Cela ne pourra qu’être sur un islam réformé, un islam compatible avec nos valeurs et avec nos pratiques démocratiques. Mais qui va reformer l’islam ? Personne n’a l’autorité pour le faire : il faut bien voir que l’islam étant dépourvu, à l’inverse du catholicisme, de structure organisée, il ne peut être réformé par aucune autorité qui dicterait aux croyants la nouvelle façon de lire et d’interpréter le Coran. Tous les réformateurs, y compris Tariq Ramadan au temps où il enflammait encore les foules, conseillent aux croyants de ne plus faire une lecture littérale du coran : mais, entre chaque croyant et Dieu il n’existe dans cette religion aucun intermédiaire, en sorte que le problème n’a pratiquement pas de solution. Il est impossible d’imposer à une communauté musulmane un imam que celle-ci n’aurait pas, elle-même, librement choisi en son sein.
La sagesse voudrait, donc, qu’en attendant que ces évolutions s’opèrent dans l’esprit de tous les musulmans français qui ne sont pas encore intégrés on bride au maximum
les arrivées de nouveaux immigrants : c’est la mesure essentielle à prendre, une mesure de sagesse à adopter au titre du principe de précaution introduit dans notre Constitution en 2004.
Curieusement, bien qu’étant prioritaire, cette sage précaution ne semble pas devoir figurer dans l’arsenal des mesures prévues par le projet de loi qui est en préparation et dont on nous dit qu’il serait soumis au parlement en début d’année prochaine.
Claude Sicard, consultant international
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