La comédie du climat
J’ai découvert la question du climat quand j’étais jeune journaliste à Science&Vie au milieu des années 1980. Les grandes revues scientifiques internationales bruissaient alors de la menace d’un refroidissement spectaculaire de la planète causé par une hypothétique guerre nucléaire. On appelait cela « l’hiver nucléaire ». Cette forme d’hystérie savante collective faisait suite à plusieurs années de mises en garde contre le risque d’un « refroidissement global ». Les températures relevées à la surface de la Terre avaient en effet eu tendance à baisser entre la fin des années 1940 et le début des années 1970. Comme aujourd’hui, les scientifiques d’alors, Américains en tête, avaient lancé force avertissements quant au risque annoncé d’un retour au « Petit Age glaciaire », ces siècles froids qui ont suivi le Moyen-Age pour se prolonger jusqu’à la l’ère des premiers chemins de fer. On assistait et on allait assister pus encore, c’était sûr, à un renforcement et une multiplication des tempêtes, cyclones, tornades, inondations, sécheresses etc. Et puis voilà que tout d’un coup, vers le milieu des années 1980, montait une nouvelle rumeur scientifique, elle aussi orchestrée par les meilleures revues et les plus grands laboratoires de recherche : en raison de l’augmentation dans l’atmosphère des gaz dits à effet de serre émis du fait des activités humaines, la planète risquait au contraire de se diriger vers un réchauffement catastrophique.
Quelques années plus tôt, j’avais été échaudé par l’affaire dite des pluies acides. J’étais alors journaliste à Sciences & Avenir et avais écrit un grand article pour faire état de cette catastrophe écologique frappant l’hémisphère Nord. Au début des années 1980, les scientifiques considéraient en effet que la pollution par les oxydes de soufre et d’azote faisaient dépérir les forêts et acidifiaient les lacs. Or je m’étais rendu compte après coup qu’il s’agissait largement d’une fausse alerte. Sauf très localement les forêts et les lacs se portaient plutôt bien. On le sait aujourd’hui, l’affaire des pluies acides, qui a fait la une des médias pendant des années, n’était pas fondée sur des études rigoureuses. J’avais eu le sentiment de m’être fait avoir par les scientifiques que j’avais rencontrés et dont j’avais lu la prose, et quand la menace d’un réchauffement climatique est arrivée sur le devant de la scène, j’ai accueilli la nouvelle avec une certaine méfiance. Cette méfiance se reflète dans le titre du dossier que j’ai publié en 1986 dans Science&Vie : « Les prophètes de l’été carbonique ».
Je n’ai jamais cessé de m’intéresser à la question depuis lors, mais ne l’ai abordée de manière un peu approfondie que par à-coups, au fil des opportunités de ma carrière de journaliste puis de directeur de magazines. J’en ai rendu compte à plusieurs reprises dans une chronique hebdomadaire que j’ai longtemps tenu aux Echos, et ai repris le sujet à froid, si je puis dire, quand je suis devenu rédacteur en chef de La Recherche. J’y ai publié en 2002 un dossier légèrement moqueur intitulé « Les pôles fondent-ils ? », dans lequel je faisais observer qu’on ne voyait pas de signe de réchauffement sur la majeure partie du continent antarctique, sur lequel repose 90% de la masse totale des glaces du globe. Plus récemment, ayant fondé le magazine Books, j’y ai publié un dossier sur la question très compliquée de la taxe carbone, ainsi qu’un entretien avec le spécialiste américain de l’atmosphère Richard Lindzen, qui ne croit pas au réchauffement climatique. Et puis en 2014, déconcerté par la montée en puissance du consensus médiatique et politique sur le sujet, je me suis décidé à reprendre le problème à la base et à exposer mes conclusions dans un livre. Paru à la veille de la COP21, celui-ci s’intitule La comédie du climat. Comment se fâcher en famille sur le réchauffement climatique. Je mets en scène un juge britannique plein de bon sens qui tente de séparer le bon grain de l’ivraie pour se faire son opinion en âme et conscience. Je dois dire que le juge, c’est-à-dire moi, est allé de surprise en surprise, tant la réalité dépasse la fiction. Les travaux scientifiques qui fondent la thèse d’un réchauffement climatique exceptionnel dû aux activités humaines sont étonnamment fragiles. La majorité des chercheurs tirent leurs conclusions dans le sens qui leur plaît et certains des résultats les plus médiatisés reposent sur une fraude caractérisée. Quant à mes chers confrères journalistes, la plupart servent de caisses de résonance, voire d’amplificateurs, et ne cherchent pas à savoir ce qui se cache derrière les communiqués catastrophistes des chercheurs et des institutions pour le compte desquelles ils travaillent.
Pour vous faire saisir concrètement comment les choses se passent, je prends l’exemple d’un article paru dans Le Monde le 4 mars 2016. J’aurais aussi pu prendre un article du Figaro, car c’est du pareil au même. Etalé sur cinq colonnes, le titre annonce : « Effet mortifère du réchauffement sur l’alimentation ». Une affirmation catégorique. Le sous-titre est : « L’impact de la hausse des températures sur la qualité des repas pourrait causer 529 000 morts en 2050 ». L’usage du conditionnel « pourrait » est un classique de la littérature scientifique. C’est le « would » ou le « could » anglais, qui émaille tous les articles scientifiques publiés dans les meilleures revues concernant les projections dans l’avenir. La précision du chiffre avancé est remarquable : pas 530 000, non, 529 000. Il s’agit d’un article publié dans The Lancet, une revue de référence en matière de santé. Il émane de chercheurs d’Oxford, l’une des universités les plus prestigieuses. Comme c’est souvent le cas, l’article du Monde se contente pour l’essentiel de reprendre le communiqué de presse qu’a publié l’université d’Oxford. Il présente le scientifique ayant dirigé l’étude comme un médecin, alors que l’acronyme « Dr », mis devant le nom, signifie simplement que l’auteur est titulaire d’un doctorat. L’essentiel de l’information tient en une phrase : les chercheurs ont calculé que le réchauffement climatique réduirait de 14,9 grammes par jour la consommation de fruits et légumes et de 0,7% celle de viande. Le ridicule ne tue pas ! L’article du Monde ne précise pas que les chercheurs se fondent sur un modèle qu’ils ont fait tourner sur leurs ordinateurs. Il ne précise pas non plus que selon les chercheurs l’essentiel du surcroît de mortalité aura lieu en Asie du sud et de l’est. L’article publié dans The Lancet est long et complexe, il présente force tableaux et une belle formule mathématique. Il en jette. Mais dès la première phrase les chercheurs expriment leur croyance : « Le changement climatique a été décrit comme la principale menace globale pour la santé au 21è siècle ». Les chercheurs adhèrent d’emblée à ce point de vue, que leurs calculs sont là pour étayer. Leur texte est bien sûr truffé du conditionnel could, qui leur permet de se retrancher derrière une prudence apparente. Comme la plupart des articles publiés dans les revues scientifiques sur les effets du changement climatique, c’est un texte militant, dont la validité est d’autant plus douteuse que l’échéance choisie, 2050, correspond à une date où ces chercheurs auront pris leur retraite.
Comme la plupart de leurs collègues, ces chercheurs ne remettent pas une seconde en doute la réalité du réchauffement climatique ni les projections présentées par le GIEC, l’organisme international censé dire le consensus scientifique sur le sujet.
Les raisons de s’interroger sont pourtant nombreuses et précises. En simplifiant beaucoup, on peut les résumer de la manière suivante.
Dans la seconde moitié du 19è siècle, la planète est sortie d’une période froide, le Petit âge glaciaire, qui durait en gros depuis la fin du Moyen Age. Selon les chiffres officiels, la température moyenne à la surface du globe a augmenté d’un demi degré entre 1910 et 1945, a baissé ensuite de 0,2°C entre 1945 et 1975, puis a augmenté à nouveau de quatre dixièmes de degré de 1975 à 1997. En 1998 s’est produit un réchauffement ponctuel dû à un événement El Nino, comparable à celui de 2015. Et puis après 1998 la température a cessé d’augmenter. Elle s’est installée sur un plateau. Cet arrêt de la hausse s’observe à la fois dans les relevés de température de surface et dans les mesures de la température atmosphérique effectuées grâce aux satellites depuis la fin des années 1970. Reconnu par la communauté scientifique, il est tout à fait contraire aux prévisions successives du GIEC, fondées sur des modèles du genre de celui qui permet aux chercheurs d’Oxford d’annoncer 529 000 morts en 2050. C’est inexplicable, puisque dans le même temps les émissions de gaz dits à effet de serre n’ont bien sûr pas cessé d’augmenter, en raison notamment de la croissance chinoise.
De même, contrairement là encore à ce qu’annonçaient les modèles, les régions qui entourant le pôle Sud ne sont pas réchauffées. Selon la Nasa (novembre 2015), le continent antarctique s’est même refroidi depuis six ans et la surface de la glace de mer qui l’entoure a augmenté régulièrement, pour atteindre un record en 2014, avec plus de 20 millions de kilomètres carrés. Le phénomène est inexpliqué. On assiste aussi à un accroissement des pics de températures très basses en hiver en Asie centrale depuis les années 1990.
Cela ne signifie pas que la Terre ne s’est pas réchauffée depuis la période froide de l’après-guerre. Elle s’est réchauffée. Le plateau atteint vers la fin des années 1990 est installé à un niveau relativement élevé, ce qui peut contribuer à expliquer la tendance à la fonte des glaciers de montagne dans plusieurs régions du globe. Mais la hausse s’est arrêtée, ce qui est contraire aux prévisions.
Quand les chercheurs d’Oxford font donc de savants calculs sur les effets du réchauffement climatique sur la santé en 2050, ils omettent simplement de préciser que jusqu’à présent les prévisions faites par leurs collègues du GIEC se sont révélées fausses. Il n’y aucune raison de penser que les prévisions faites aujourd’hui pour 2050 soient davantage fondées que celles faites par exemple en 2007 par le GIEC quand il prévoyait 0,2°C de réchauffement par décennie. Un article particulièrement éloquent est paru en octobre 2014 dans la célèbre revue internationale Nature. La température ayant cessé d’augmenter, écrivait les deux auteurs, dont l’un était membre du GIEC, finissons-en avec l’objectif de limiter la hausse à 2°C en 2100 par rapport à la période préindustrielle. Je les cite dans mon livre : « Scientifiquement, il y a de meilleurs moyens de mesurer le stress que les humains font peser sur le système climatique que l’augmentation de la température moyenne ». Oui mais alors, s’il n’y a pas de réchauffement, en quoi consiste le stress ?
Contrairement d’ailleurs à ce que racontent régulièrement les médias, sur la foi de communiqués de presse du genre de celui de l’université d’Oxford, il n’y a pas non plus de signe que les événements météorologiques extrêmes se soient multipliés ou aggravés au cours de la période récente. Selon la NOAA, la fréquence des cyclones frappant les côtes américaines a plutôt diminué depuis 1900. En 2012 le GIEC lui-même publiait un rapport précisant : « Il n’y a pas de preuve d’une tendance à long terme (quarante ans ou plus) d’accroissement de l’activité des cyclones tropicaux (intensité, fréquence, durée) ». Et aujourd’hui les modèles se contredisent sur la question de savoir s’il faut s’attendre à plus de sécheresses ou à une plus forte pluviosité. Ce n’est guère étonnant, car certains mécanismes fondamentaux de la dynamique climatique restent un profond mystère. On ignore par exemple s’il faut, dans les modèles, affecter à la couverture nuageuse globale un signe moins ou un signe plus. Un phénomène aussi fondamental qu’El Niño, qui affecte à répétition la température et les précipitations d’une bonne partie de la planète, reste inexpliqué.
Par ailleurs, la crédibilité de la communauté scientifique impliquée dans les recherches sur le climat reste fortement ébranlée par l’affaire dite de la crosse de hockey. Dans son troisième rapport, publié en 2001, le GIEC présentait en bonne place, pas moins de cinq fois, une courbe en forme de crosse de hockey montrant que la température moyenne du globe avait très soudainement et fortement augmenté à la fin du XXe siècle : une hausse spectaculaire et sans précédent, à n’en pas douter le résultat des activités humaines. Construite par un chercheur américain à partir de l’étude des cernes de troncs d’arbres, cette courbe avait aussi de surprenant qu’elle gommait les variations climatiques pourtant bien connues du Petit âge glaciaire et de l’Optimum médiéval qui l’avait précédé. Il est bien établi aujourd’hui que cette courbe résultait d’une fraude caractérisée. La courbe a d’ailleurs discrètement disparu des rapports du GIEC ultérieurs. La fraude scientifique est un phénomène assez banal, à vrai dire, on en connaît d’innombrables exemples et l’actualité récente continue de l’illustrer. Ce qui caractérise la fraude de la crosse de hockey, c’est qu’elle a été obstinément niée et couverte par les autorités scientifiques, des deux côtés de l’Atlantique. Aujourd’hui encore, près de vingt ans plus tard, cela reste un sujet tabou, comme si les climatologues n’étaient pas des scientifiques comme les autres, ou, plus précisément, comme si l’enjeu politique représenté par la validation scientifique de la cause du réchauffement climatique valait que l’on cache au grand public ce que savent tous les experts qui ont bien voulu se pencher sur le sujet. Il était et reste jugé inacceptable d’admettre que le GIEC a fondé l’un de ses rapports sur une fraude, et il était et reste inacceptable d’admettre que l’Optimum médiéval était une période de réchauffement comparable à celle observée au XXe siècle. Ce serait ouvrir la voie à l’idée dangereuse que la Terre a connu récemment des périodes chaudes non dues aux activités humaines. Ces périodes sont nombreuses, car l’Optimum médiéval a été précédé par plusieurs autres, certains d’amplitude supérieure, du vivant d’Homo sapiens. Ainsi, pendant la période chaude appelée l’Optimum romain, entre 200 avant J.-C. et 50 après J.-C., le plus grand glacier du massif alpin, celui d’Aletsch, avait autant rétréci qu’aujourd’hui. Pendant la période chaude précédente, beaucoup plus prononcée, vers la fin de l’Age du Bronze, à l’époque de Toutânkhamon, il était plus court d’un kilomètre. Quand l’historien Emmanuel Leroy Ladurie explora sa base en 1961, il vit qu’un canal en bois de mélèze construit au Moyen Age restait en partie enfoui sous le glacier. Autrement dit, à en juger du moins par l’histoire du plus grand glacier alpin, le réchauffement actuel n’a rien d’exceptionnel au regard l’histoire humaine – une période très brève à l’échelle de l’histoire longue du climat. En outre, la fonte actuelle du glacier d’Aletsch a commencé vers 1850, à la fin des siècles appelés le Petit âge glaciaire, donc bien avant l’explosion des émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines.
Je disais tout à l’heure que la fraude n’est pas l’apanage des climatologues. Mais la fraude n’est que la partie émergée d’un iceberg. En 2005, un biologiste grec en poste à Harvard, John Ioannidis, publiait un article retentissant titré : « Pourquoi la plupart des résultats de recherche sont faux ». Aujourd’hui professeur à Stanford, il s’est fait une spécialité d’analyser les biais cachés dans les publications scientifiques de haut niveau. Se concentrant sur son domaine, la biomédecine, il détaille les différentes façons dont la majorité des chercheurs manipulent leurs données pour enjoliver leurs résultats, consciemment ou non. Poussés par le besoin de publier, condition nécessaire à l’établissement de leur notoriété, à la progression dans la carrière et à l’obtention de fonds, les scientifiques sont en effet incités à négliger les résultats négatifs ou contraires à leurs attentes et à sélectionner les données qui vont dans le sens de leurs aspirations ou de leurs croyances. Après avoir évoqué la fréquence des conflits d’intérêt matériels, Ioannidis écrit dans un article récent : « Les préjugés, eux, n’ont pas forcément des racines financières. Le biais intellectuel peut simplement venir de la croyance dans la justesse d’une théorie scientifique ou de leur attachement à leurs propres résultats. Et beaucoup de travaux de recherche universitaires par ailleurs tout à fait indépendants en apparence peuvent être menés au seul motif de la carrière du chercheur ». Ceci vaut pour le scientifique qui soumet un article comme, cela vaut aussi pour les « pairs » qui sont censés en évaluer la validité : « Des scientifiques prestigieux sollicités par la procédure d’évaluation par les pairs peuvent éliminer des résultats qui viennent contredire les leurs et donc condamner un champ de recherche à entretenir un dogme perpétuel ». Conclusion : en biomédecine, 80% environ des articles scientifiques sont biaisés.
Ce point de vue est désormais partagé par bon nombre de spécialistes et le même type de constat a été dressé dans d’autres domaines du savoir. Ainsi en psychologie, plusieurs études ont abouti à une conclusion semblable. La dernière, publiée en 2015, portait sur une sélection de cent articles considérés comme importants publiés en 2008. Au vu des données exploitées par les chercheurs, près des deux tiers des résultats étaient biaisés. Moins connu, des économistes canadiens sont parvenus à la même conclusion concernant les articles publiés dans les plus prestigieuses revues d’économie.
Aucune étude de ce genre n’a été menée en climatologie, mais on peut parier sans risque que l’on obtiendrait un résultat comparable. A vrai dire, il serait peut-être pire. Comme l’observe Ioannidis, « plus le sujet est chaud, plus il implique un grand nombre d’équipes scientifiques, moins les résultats ont de chances d’être vrais ». Or, sans vouloir jouer sur les mots, il n’est guère de sujet plus chaud que le climat, guère de domaine aussi où une aussi grande communauté de chercheurs est mobilisée autour d’un même objectif. Quand on se plonge dans cette littérature scientifique, on est surpris de constater la fréquence avec laquelle des conclusions sont tirées de données mal assurées, incomplètes ou clairement difficiles à interpréter. Surpris aussi de voir les effets de gradation entre les incertitudes souvent mentionnées dans le dernier tiers de l’article, la fermeté des affirmations présentées en introduction et en conclusion, le caractère souvent plus affirmatif encore du titre et de l’abstract, sans parler du communiqué de presse publié par l’institution dont dépendent les chercheurs. Je l’ai déjà évoqué, ces articles sont aussi émaillés de formules prudentes mais entraînantes du style « may », « might », « suggest », qui sont là pour masquer le fait que les auteurs présentent des indices, sans plus. Des indices qui vont tous dans le sens de la thèse principale défendue, laquelle est le plus souvent censée venir renforcer la thèse centrale selon laquelle nous vivons un réchauffement catastrophique et nous dirigeons vers un réchauffement plus catastrophique encore.
Nombre de ces biais, qu’il faudrait entreprendre de recenser de manière systématique, comme Ioannidis l’a fait en biomédecine, sont pratiqués de manière inconsciente ou naïve. Les chercheurs ne sont pas formés à l’épistémologie ni à la psychologie cognitive, et bien souvent ne se rendent pas compte qu’ils confondent science et wishful thinking.
Il est bien possible que l’accumulation des gaz à effet de serre finisse par produire une élévation des températures à l’échelle du globe, ce qui justifie des mesures de précaution – sans pour autant les fonder sur des objectifs lointains, inspirés par des modèles peu fiables. Mais pour l’heure, contrairement à ce que tout le monde ou presque répète en chœur, le président Obama y compris, la science n’est pas établie.
La question la plus difficile à résoudre à mes yeux, et je ne suis pas le seul à penser cela, c’est de comprendre les raisons profondes de l’impressionnant consensus qui s’est installé. Comme la COP 21 en a témoigné, tout le monde semble d’accord sur la thèse principale : les scientifiques qui donnent de la voix, les médias, les politiques du monde entier, les ONG, les grandes entreprises, les hauts fonctionnaires nationaux et internationaux… A la COP21, personne n’a mis en l’idée que la Terre doit faire face à un réchauffement catastrophique créé par l’homme. Vu la fragilité du dossier, c’est surprenant. Il faut bien sûr mettre en cause la tentation du conformisme, qui est générale. En ce qui concerne les médias et les hauts fonctionnaires, on peut aussi incriminer une belle paresse intellectuelle. Mais la puissance de ce nouvel avatar de la pensée unique tient surtout au fait qu’elle scelle désormais une formidable coalition d’intérêts, de nature diverse. Il y a les intérêts idéologiques, intellectuels dirait Ioannidis, qui sont le fait des médias, des scientifiques et des ONG. Pour les dirigeants des démocraties, il y a les intérêts électoraux, car il est de bon ton, à droite comme à gauche, de flatter les préjugés d’une opinion mal informée. Les dirigeants des pays émergents comme la Chine et l’Inde y voient un outil de négociation avec les pays riches et les pays pauvres un moyen de recevoir des fonds. Les scientifiques y voient un intérêt pour obtenir des financements, pour leur carrière et pour exercer un pouvoir. Les grandes entreprises, même les plus émettrices de gaz à effet de serre, ont besoin de montrer patte verte et beaucoup d’entre elles sont désormais impliquées dans les industries vertes qui collectent les subventions publiques. Emettre des doutes aujourd’hui c’est prendre un risque pour sa vie professionnelle, pour sa survie politique ou pour la croissance de son entreprise. Même si en leur for intérieur beaucoup d’acteurs intelligents ne croient pas le premier mot de cette histoire, tous voient ce qu’ils pourraient perdre à jouer les fortes têtes. Comme le souligne l’économiste britannique Robert Tol, l’hystérie climatique est génératrice de rentes. Cette coalition est donc là pour durer.
Quand je tiens ce discours, beaucoup m’objectent : bon, peut-être avez-vous raison, mais est-ce bien grave ? Est-ce que finalement toute cette agitation ne sert pas la cause de l’environnement, d’une prise de conscience au profit d’une planète plus propre ? Je ne nie pas que cela soit possible, mais ce n’est pas non plus certain, car la priorité donnée à ce mythe détourne les efforts de bien d’autres sujets de préoccupation environnementaux, dans les pays riches et plus encore dans les pays pauvres. Si le paludisme fait encore 450 000 morts par an, c’est exclusivement dû à une mauvaise gestion de l’environnement. Le paludisme a effet été éradiqué dans les pays riches qui ont su traiter leur environnement (jusqu’en Finlande).
Et surtout je pense profondément qu’à long terme, la cause de la
démocratie est perdue si on pense pouvoir la faire progresser sous l’étendard de la fausse monnaie. Lénine disait « mentir, s’il le faut », mais il s’exprimait au nom d’un idéal qui n’est pas le nôtre.
Regardez la
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Livre
"La comédie du climat"
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