Incendies 2022 en Aquitaine, « réchauffement climatique » ?

Incendies 2022 en Aquitaine, « réchauffement climatique » ?

 

Les incendies en 2022 en Aquitaine sont-ils dus au

« réchauffement climatique »?

Avant même que les pompiers parviennent à stabiliser les incendies qui affectent des départements du massif forestier des landes de Gascogne, le président de Région affirme sans ambages qu’ils sont provoqués par le « réchauffement climatique » (sous-entendu anthropique), qui induira plus d’incendies à l’avenir... Il est bien évident que cette affirmation mérite d’être examinée à l’aune de la réalité historique et factuelle.

En 2017, ce sont les incendies survenus dans le Sud-Est qui apparaissent dans les médias comme étant en lien avec un climat « déréglé ».

Plus récemment, j’avais abordé le cas des incendies qui affectèrent l’Australie en 2020 , en montrant l’absence de lien entre leur survenue et le « réchauffement climatique »2.

Aujourd’hui, c’est la forêt landaise qui se voit affectée par de grands incendies. Ces faits sont-ils uniques par leur gravité et leur ampleur ? L’Histoire vient à point nommé nous rappeler que, de tous temps, la forêt de pins maritimes a été affectée par le feu. Une brève synthèse non exhaustive permettra de mettre en lumière la réalité du lien entre la forêt et l’incendie dans les Landes.

Ce que nous dit l’Histoire

On nous a enseigné que les landes ont été reboisées en pin maritime à partir de 1857, se substituant à un système agro-sylvo-pastoral ; or, sur une partie du littoral et en divers endroits, la forêt de pins était présente. Sur le territoire de La Teste, il existait déjà un massif forestier important, et il en était de même dans une région du département des Landes nommée le Marensin3, où se trouvait le pignadar4 le plus étendu d’Aquitaine5. Et c’est justement dans cette région forestière que va se produire le 5 avril 1755 un gigantesque feu qui ravagea plus de 50 000 hectares sur la quasi-totalité des communes du Marensin, détruisant maisons, églises, cultures, et bien sûr pinèdes. Le bilan humain n’est pas connu précisément, mais il paraît évident qu’il fût très lourd, d’autant plus que de nombreux sinistrés ont dû s’expatrier vers des communes épargnées. La cause de cet incendie est, selon l’intendant d’Etigny6, un feu parti de la cabane d’un charbonnier, ou bien, selon l’Abbé Légé (cf. Taillentou, 1995) le fait d’un mendiant qui aurait été « mal reçu » la veille par les propriétaires d’une maison à Linxe, et qui se serait par conséquent vengé en commettant le méfait incendiaire. A cette époque, les incendies découlaient de divers facteurs, mais les sècheresses en étaient souvent les phénomènes amplificateurs. La responsabilité du déclenchement des feux découlait fréquemment de la présence de nombreux charbonniers, qui produisaient le charbon de bois de pin au sein même de la forêt. Une autre cause « traditionnelle » tenait aux brûlis effectués par les bergers au printemps afin de reconstituer les herbages indispensables au pacage des moutons et autres bestiaux. Parmi les incendiaires naturels, citons la foudre, qui aujourd’hui encore constitue un important facteur de déclenchement de feux, d’autant plus que le niveau kéraunique de la région est élevé. On peut rajouter que, jusque dans les années 1950, la lutte contre l’incendie et la prévention étaient quasiment inexistants.

Les autres incendies majeurs dans les Landes

Le 23 août 1803, ce sont « 700 000 pieds de pins » qui sont brûlés dans le sud du Marensin. En 1822, ce sont les communes de Soustons, Messanges et Moliets qui voient partir en fumée des milliers d’hectares.

À l’issue de la grande opération de reboisement des Landes, des réactions sociales à ce reboisement ont conduit au développement des « feux de forêts », souvent perpétrés par des bergers à qui les plantations avaient soustrait leurs zones de pacage.

En 1892, 10 personnes périssent lors d’un incendie ravageant plusieurs milliers d’hectares ; en 1893 ce sont près de 50 000 hectares qui brûlent, et en 1898 20 000 hectares sont détruits par le feu. On constate alors que ces catastrophes se produisent pendant des périodes de sécheresse et de chaleur (1898 était l’année la plus sèche depuis 125 ans).

J’avais évoqué les incendies de la période 1937 – 1949, qui ont détruit plus de 500 000 hectares, soit la moitié de la surface boisée en pins en Aquitaine. Cette période a été caractérisée par des canicules durables et intenses, mais aussi par des phases froides remarquables, ce qui permet de supposer qu’il y a eu tout à la fois des blocages anticycloniques tant en été qu’en hiver, et des régimes de sud apportant des températures au-delà des « normales ». Le paroxysme est atteint en1949, année qui a connu une canicule durable. La seule période de froid s’est établie début mars, et avril connaît une forte vague de chaleur (31,1 °C à Bordeaux le 15 avril). L’été reste très chaud, avec peu de précipitations. Ces conditions expliquent les 100 000 hectares ravagés, mais aussi la triste journée du 20 août où l’incendie fit 82 victimes et parcourut à lui seul plus de 50 000 hectares. A l’issue de cette triste période pour la forêt landaise, une restructuration totale est engagée : conversions en cultures agricoles avec des « colons » agriculteurs, création des associations syndicales de DFCI, du corps de sapeurs-pompiers forestiers, ouverture de pare-feu, de pistes DFCI, installation de citernes, acquisition de véhicules et matériels adaptés à la lutte7, mise en place du FFN (Fonds forestier national, qui apportait des aides pour les infrastructures et les reboisements). Avec le temps, et peut-être l’efficacité des dispositifs mis en œuvre, peut-être a-t-on cru que les « grands feux » ne se produiraient plus. Les moyens engagés paraissaient suffisants, et sur le terrain, le « cloisonnement » DFCI de la forêt a été quelque peu oublié. Mais la réalité vient de nous rappeler que l’on ne doit jamais baisser la garde face au risque d’incendies.

La Teste, 2022 : l’idéologie a-t-elle primé sur le réalisme de terrain ?

Concernant l’incendie de La Teste, qui a grandement affecté sa forêt usagère, la sècheresse n’est pas seule responsable8. C’est ici une cause sociale qui explique l’ampleur du sinistre. Une forêt dite usagère appartient à une multitude de propriétaires, qui consentent le droit d’usage dans leur forêt. Ce droit est assis depuis le Moyen-Age, il s’agit donc d’une coutume qui, jusqu’à la période actuelle n’a que peu affecté la forêt, hormis quelques conflits d’usages. Or, les propriétaires ont depuis plusieurs années pris conscience du risque d’incendie dans cette région fortement touristique, et ont souhaité mettre en place des mesures de gestion, incluant la prévention contre l’incendie. Ce projet devait passer par la création de pare-feu, de pistes dites de DFCI9, et par conséquent par la coupe d’arbres : cela a suscité de très vives réactions de la part d’associations d’usagers10, qui ont manifesté contre leur mise en œuvre, et ont obtenu gain de cause. Le résultat de cette ingérence se traduit aujourd’hui par une forêt dévastée.

Prévention et lutte.

On ne peut envisager de limitation du risque d’incendies en l’absence de deux outils indispensables : la prévention, qui consiste à aménager les forêts en y intégrant des dispositifs de DFCI, et la lutte qui peut être terrestre et/ou aérienne.

La forêt de pins maritimes est potentiellement très combustible. Il faut bien prendre conscience que, même si des mesures adaptées sont prises, on ne restera pas à l’abri de désastres bien pires que ce qui s’est produit en 2022. Toutefois, il est possible de minimiser ce risque, sans toutefois l’éliminer totalement.

Plusieurs mesures essentielles, parfaitement connues des pompiers de terrain, restent efficaces pour le contrôle de la majorité des feux.

Tout d’abord, le cloisonnement des forêts par des réseaux de pare-feu peuvent assurer une protection efficace contre les incendies : d’une part, un pare-feu d’une largeur suffisante (25 m au minimum) et ayant ses bordures mises à sable blanc suffit à contrôler les départs de feux de sol (provoqués par exemple par la foudre). D’autre part, ils permettent aux pompiers de s’appuyer sur une zone sécurisée pour engager des feux tactiques (« contre-feux »). La largeur des pare-feu, leur maillage, doivent être décidés sur le terrain, pour tenir compte du foncier (propriétés privées et groupement forestiers, Etat, communes, établissements publics…), du relief et des types de peuplements.

Ensuite, se pose la question de l’accessibilité : les engins de lutte doivent pouvoir intervenir au plus vite au sein des parcelles, ce qui ne peut se faire que grâce à des pistes « DFCI » nommées et géoréférencées en vue de localiser sans erreur le point auquel accéder. L’expérience montre que dans le cas des grands incendies, beaucoup de temps est perdu à cause de l’absence de pistes, mais aussi de la localisation par GPS des zones à traiter, ainsi que des points d’eau pour recharger les engins de lutte.

Qu’il s’agisse de création de pare-feu ou de pistes DFCI, la coupe des arbres est obligatoire sur des surfaces conséquentes, ce qui, dans le cas de la forêt de La Teste, semble avoir été un point de blocage à l’exécution des travaux.

Si, lors des feux en Gironde, le manque de moyens a été mis en avant, ce sont les moyens aériens qui ont été le plus souvent évoqués. Les Canadair sont vieillissants, et les coûts d’entretien très élevés. D’autres solutions sont à l’étude, avec en particulier l’adaptation de A 400 M en bombardier d’eau de plus grande capacité. Mais les moyens au sol sont tous autant indispensables, et là encore, les moyens pour l’acquisition et l’entretien de véhicules coûteux ne sont guère suffisants11. Certains engins peuvent porter jusqu’à 12000 litres d’eau (6000 litres pour un Canadair) et sont équipés de systèmes de protection sophistiqués qui leur permettent de faire face au feu si le camion venait à être immobilisé au milieu des flammes, ou en cas de changement de vent. Leur coût de 450 000 € constitue une dépense importante, sans compter les entretiens qui sont nécessaires après chaque feu, mais là encore, l’anticipation impose de disposer de moyens adaptés et suffisants pour lutter contre les feux exceptionnels.

Au-delà de l’aspect purement technique, c’est l’humain qui est en mesure de piloter et d’intervenir sur le terrain, et l’on ne peut que se féliciter d’avoir un corps de pompiers volontaires et professionnels qui sont capables d’intervenir en toutes circonstances. Mais comme dans bien des domaines, leur engagement n’est pas reconnu à sa juste valeur, et leur nombre reste insuffisant. Enfin, et c’est là encore un point qui est rarement évoqué, les agriculteurs n’hésitent pas à se mettre à disposition des pompiers pour renforcer les moyens de lutte (approvisionnement en eau, arrosage des pare-feu, etc.). En milieu rural, les agriculteurs ont toujours été une ressource indispensable à la gestion des incendies et de divers sinistres sur le territoire ; c’est là un élément qui n’est jamais avancé par les citadins qui ne manquent pas de les critiquer.

La gestion de la forêt peut-elle être améliorée ?

La problématique des incendies en Aquitaine est par conséquent fort complexe. Si le « changement climatique » est mis en exergue comme nous l’avons vu plus haut, des pratiques de gestion contribuent également à accroitre la combustibilité de la forêt. Pour exemple les fossés, dont la profondeur est souvent trop importante, et conduisent à l’affaissement de la nappe superficielle, qui est indispensable à la survie des pins en été et en particulier lors des périodes très chaudes et sèches. On peut également évoquer le danger que représentent les fossés pour les camions de pompiers, avec comme illustration la perte de deux camions en 2015 qui n’ont pu franchir un fossé et ont été détruits par les flammes, sans dommage humain fort heureusement. D’autres solutions existent, telle la réalisation du cunettes en lieu et place des fossés (voir page 5), mais elle se heurte à des habitudes et techniques normalisées. De même, certains actes de gestion de la forêt de production restent critiquables, notamment sur le Plateau landais, avec la mise en œuvre de labours détruisant les humus, et l’arrachage des souches, qui prive le sol des matières organiques et minérales indispensables au développement des pins12.

Les causes réelles des canicules

On ne peut évoquer un « dérèglement climatique » à chaque évènement paroxysmique du temps. Il s’agit ici d’un phénomène météorologique et non climatique. De plus, les climats ne peuvent être « déréglés », car ils n’ont pas de règlement ! Plus sérieusement, les climats sont des systèmes dynamiques complexes non linéaires et aléatoires (chaotiques pour employer la référence scientifique), ce qui rend la modélisation de leur évolution impossible.

En réalité la situation de juin et juillet 2022 tient à ce que l’on nomme un « blocage anticyclonique » qui empêche la survenue de régimes d’ouest, susceptibles d’apporter pluies et températures moins élevées. De plus, en juin, s’est installé un régime de sud en marge ouest de l’anticyclone, ce qui a induit des températures excessivement élevées. Ceci pour montrer que les phénomènes extrêmes sont liés à des situations météorologiques découlant des positions respectives et de la dynamique des hautes pressions (et des basses pressions) et non pas à l’augmentation des émissions de CO2. Les différences de pression se concrétisent par des conflits de masses d’air, produisant ce que l’on nomme le Jet-Stream, un courant aérien rapide de haute altitude qui se place au sud du front polaire ; en 2022, ce courant a eu tendance à serpenter, favorisant la remontée d’air chaud tropical et l’absence de précipitations. De plus, la situation en France ne reflète pas ce qui s’est produit au niveau mondial, puisque si l’on considère les seules températures, ces dernières ont été les plus basses depuis 2013, avec une anomalie de + 0,06 °C.

En conclusion

Le lien médiatiquement établi entre « réchauffement/dérèglement/changement climatique » n’est guère pertinent pour expliquer les incendies de 2022. Ce sont les situations météorologiques qui conduisent à des évènements parfois extrêmes, et l’on ne peut absolument pas prévoir comment évolueront les climats à l’avenir. Ce n’est certainement pas en réduisant les émissions de CO2 que des « changements » apparaîtront. Les milliards dispensés à perte dans le « changement climatique » seraient bien plus utiles s’ils étaient utilisés pour résoudre les problèmes réels et non supposés, celui des moyens à mettre en œuvre pour protéger les forêts, par exemple (mais pas seulement).

« Il vaut mieux employer notre esprit à supporter les infortunes qui nous arrivent

qu'à prévoir celles qui nous peuvent arriver » .

De La Rochefoucauld.

Gilles GRANEREAU *1

Bibliographie

Manuscrit de l’Abbé Légé – Registre Paroissial de l’église de Linxe. Numéro hors-série assoc. Mémoire en Marensin, éd. ICN, 1995, réédition 2002, 284 p.

Taillentou Jean-Jacques, 1995. Incendies de forêts à Castets et Linxe au XVIIIe siècle. In bull. assoc. Mémoire en Marensin n° 6-1995, p.97-103.

Le Grand Michel, 1936. Incendies dans les forêts de pins du Marensin en 1755, d’après la correspondance de l’intendant d’Etigny. Impr. Labèque, Dax, 7 p.

1 1237 chemin d’Aymont, 40350 POUILLON – gmgnreau@club-internet.fr

2 On ne peut nier qu’il existe une évolution des températures (0,6 °C au XXe siècle), mais c’est la cause de cette élévation qui est sujette à caution.

3 Le Marensin (historique) est situé entre les courants de Vieux-Boucau et celui de Contis au nord, et s’étend à l’est jusqu’à la commune de Taller.

4 Nom donné localement aux parcelles de pin maritime.

5 Ces données historiques sont issues des documents présentés en bibliographie.

6 Voir bibliographie.

7 A l’après-guerre, de nombreux véhicules américains sont disponibles, tels les GMC, encore utilisés jusqu’au début des années 2000.

8 Anecdotiquement, citons la première ministre qui affirma « les incendies en Gironde, c’est une voiture électrique qui a pris feu » …Une affirmation aussitôt infirmée par le maire de La Teste qui donna la réalité des faits en indiquant qu’il s’agissait d’un véhicule thermique ayant eu un problème électrique…

9 Défense des forêts contre les incendies.

10 Notamment des associations « d’écologistes ».

11 D’autant plus qu’ils sont soumis à d’importantes « taxes carbone », ce qui est parfaitement ridicule pour des engins qui sont par conséquent susceptibles de limiter les émissions de milliers (millions vraisemblablement pour les incendies de 2022) de tonnes de CO2 grâce à leur intervention. Ces engins coûtent plusieurs centaines de milliers d’euros, et peuvent emporter entre 4000 et 12000 litres d’eau.

12 Pour ceux qui croient à l’impact négatif du CO2, ici, ce sont des quantités considérables de carbone qui sont relarguées lors de ces travaux.


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