Entreprises en danger
Entreprises en danger
Lorsqu’en 2005, la charte de l’environnement fut annexée à la constitution, quelques amis m’avaient alerté sur ce principe de précaution. A vrai dire, je n’ai pas compris à l’époque quelles étaient leur crainte. Elles dépassaient sans doute le cadre de l’environnement, et reposaient sur le principe même qui appliqué à d’autre domaines pouvait s’avérer contre-productif. Alors qu’en est-il de ce principe face à l’épidémie de Covid-19 ? L’administration a-t-elle correctement évaluer les risques ? A-t-elle adopté des mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage à un coût économique acceptable ?
D’abord, le dommage est quantifiable, tout a un prix, sans argent rien ne fonctionne. Ensuite, l’aversion pour le risque de notre société, qu’il soit sanitaire ou financier, interroge. Sans risque, il n’y a pas d’entreprise, quelque qu’elle soit. Des aventuriers mettent en jeu leur vie pour traverser les océans sur des embarcations, de plus en plus modernes, mais perfectibles comme toute fabrication humaine. Des chefs d’entreprise arbitrent tous les jours sur leur positionnement, en fonction de leur ratio, de leur anticipation. Certains d’entre eux engagent tout leur patrimoine dans leur projet. Et quand il faut leur expliquer qu’ils doivent arrêter leur activité pour des raisons sanitaires, il y a nécessairement une part d’incompréhension. Les enjeux professionnels auront pour la plupart plus d’impact pour eux que la contraction du virus. Certes, l’entreprise est aussi une affaire collective, les clients, les salariés doivent être protégés et la sécurisation gagne ainsi toute la sphère économique.
Dès lors, se dégage trois grandes typologies de clients.
Les activités qui ne pourront plus accueillir du public ou qui sont soumises à des restrictions d’accueil sont listées dans les décrets. Évidemment, je me réjouis d’évoquer la terminologie adéquate des différents secteurs S1, S1 bis et S2, et le cortège de questions afin de déterminer dans quelle liste sa société doit être classée. Les moins bien lotis sont les fermetures administratives, que fait-on lorsque son chiffre d’affaires est à néant depuis le 16 mars 2020 ? On finit par licencier tout son personnel, la société est mise en sommeil et les dirigeants ont trouvé un emploi salarié…Que fait-on lorsque son chiffre d’affaires a été divisé par deux sur six mois ? On profite du chômage partiel, reporte les échéances d’emprunt et souscrit un prêt garanti par l’état.
Quelques privilégiés ont profité d’une hausse de leur activité, notamment les ventes sur internet et de produits médicaux-techniques. En sont-ils satisfaits ? bien sûr, ils auraient néanmoins bien voulu être moins entravés par le télétravail, les aménagements de poste ou les arrêts de travail.
Entre ces deux catégories se trouvent un camaïeu de sociétés plus ou moins impactés, tantôt spectatrices de naufrages annoncés tantôt suspendues à quelques effets d’aubaine ou aux sursauts des consommateurs lors de déconfinement. Une chose demeure : aucun ne compte sur d’hypothétiques aides pour sauver leurs affaires, ils vivront avec dans les meilleurs des cas. Au fil des évènements, chacun comprend que peu d’entreprises sortiront des résultats en 2020, et les entrepreneurs travaillent pour ne rien gagner.
Les fonds de solidarité gêneront un casse-tête confus, trois jours après la parution du décret, 200 foires aux questions éclairent les professionnels sur le site du service public, utiles il est vrai pour clarifier des situations, mais illisibles pour nos clients. Pour une fois, la sécurité des indépendants ex-RSI a la meilleure idée : l’aide est distribuée par leurs services en fonction des données déjà déclarées. Se rajoute ensuite les aides sectorielles, monde de la nuit et médical par exemple, ou locales avec un léger décalage entre les bénéficiaires et les cibles recherchées. L’ampleur et la multiplicité des dispositifs permet au moins d’atténuer les effets de seuil. Globalement et sincèrement, les services impôt/URSSAF/DIRECCTE me semblent être relativement performants, surtout si comparaison est faite avec le monde de la santé.
Si nous n’avons pas encore connu une avalanche de redressement judiciaire, nous le devons au PGE, Prêt Garanti par L'État, distribué avec efficacité par le monde bancaire. Bien que garantis par l’état, les organismes bancaires respecteront leurs principes et commenceront à en proposer tout naturellement par les cotations 3 + et ++ pour finir ensuite par inonder la quasi-totalité des sociétés. C’est d’ailleurs une position de bon père de famille, devant tant d’incertitudes, autant bénéficier d’un prêt pour parer à toutes difficultés ultérieures. L’espiègle expert- comptable que je suis prend un malin plaisir à faire le lien entre une trésorerie excédentaire et un résultat négatif, car dans le monde d’avant, cela n’existait pas dans ces proportions et relevait de la start-up où les actionnaires souscrivent au capital en fonction de leur perception du projet. La seconde partie du tableau de financement est moins drôle : combien de temps faudra-t-il pour rembourser ces prêts ? Combien de mois pour retrouver une capacité de remboursement ? Chez la plupart de nos clients, il faudra au moins trois ans pour se désendetter. C’est effectivement le moment de passer la réforme des retraites.
Lors de la sortie de cette crise que j’espère proche, il faudra être attentif aux soutiens aux entreprises dans l’investissement. Leur niveau d’endettement va les pénaliser dans leur recherche de financement. Le dispositif de suramortissement prorogé par les différentes lois de finances n’est pas suffisant. Pourquoi, par exemple, ne pas accorder des PGE à des sociétés qui envisagent d’accroitre ou de moderniser leur outil de production ? Je salue toutes les mesures qui conduisent à renforcer les fonds propres d’une manière ou d’une autre (lease back, différé d’amortissement, réévaluation…), elles ne sont malheureusement pas accessibles à tous.
En fait, quelque soit l’avancée sanitaire, la sortie de crise sera inéluctable, la mise sous cloche de nos sociétés n’est plus tenable. L’axe sanitaire doit se résoudre à accepter que nos sociétés ne peuvent pas être suspendues à leur seule fin.
Geoffroy CONVERCY
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