Drones, caméras et reconnaissance faciale contre la Liberté
Drones, caméras et reconnaissance faciale
contre la Liberté
La presse parle beaucoup de la proposition de loi n°3452 débattue à l’Assemblée et qui a été présentée par le député LREM Jean-Michel Fauvergue, haut fonctionnaire de police dans le civil, par M. Christophe Castaner, ancien ministre de l’Intérieur, et par une longue liste de députés LREM et Agir ensemble.
Elle se concentre sur l’article 24 parce qu’elle les concerne directement dans leur capacité à exercer leur métier et à documenter les actes de police. Mais cette proposition de loi contient plusieurs autres articles de loi particulièrement liberticide dont je voudrais vous parler aujourd’hui.
Un continuum de « sécurité globale »
L’objectif affiché dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi est d’« intégrer plus directement l’ensemble des acteurs de la sécurité et de la sûreté autour d’un continuum de sécurité » pour « offrir aux Françaises et aux Français une « sécurité globale » ». Ce continuum de sécurité repose « sur la reconnaissance du rôle et de la valeur des différents acteurs de la sécurité : 1/ les forces de l’État, 2/ les polices municipales et 3/ le secteur de la sécurité privée ».
Des drones, caméras et logiciels de reconnaissance faciale
La proposition de loi autorise spécifiquement :
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l’utilisation dans l’espace public de drones équipés de caméras,
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la transmission des images en direct au poste de commandement,
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le « traitement des images », terme pudique désignant l’utilisation du logiciel de reconnaissance faciale Alicem, suite à la décision du Conseil d’État du 4 Novembre 2020 l’autorisant.
Le premier objectif affiché de l’utilisation de ces moyens de surveillance, qui n’ont rien à envier à ceux déployés à Hong Kong et en Chine totalitaire, est la surveillance des manifestations et des manifestants. L’État se prépare à accueillir les successeurs des gilets jaunes. Le second objectif est « la prévention d’actes terroristes ».
Le troisième est « le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs ».
Autrement dit, la surveillance de la population. Globale.
Surveillance de l’espace public et privé
Contrairement à ce qu’affirme l’exposé des motifs de la proposition de loi, le texte de l’article 22 ne fixe en rien des « garanties qui assurent le respect des libertés publiques ».
Certes, cet article explique que ces images prises d’aéronefs seront « réalisées de telle sorte qu’elles ne visualisent pas les images de l’intérieur des domiciles ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées ». Ce texte serait carrément comique s’il n’était gravissime.
Car ces drones auront toute capacité à filmer en temps réel l’espace public et l’espace privé, comme je l’ai expérimenté au mois d’Avril lorsqu’un drone de la police, équipé de haut parleur et de caméras évoluait au dessus de chez moi en filmant et intimant l’ordre à la population de rentrer chez elle. Vous l’avez compris, il s’agissait de ces dangereux citoyens qui prenaient l’air (avec attestation) par un beau dimanche de printemps en période de confinement.
Quel respect des libertés publiques ?
« Le public est informé par tout moyen approprié de la mise en œuvre de dispositifs aéroportés de captation d’images (…), sauf lorsque les circonstances l’interdisent. » lit-on encore à l’article 22.
Autrement dit, en pratique, toute latitude est laissée aux forces de l’ordre, sans contrôle judiciaire, sans contrôle démocratique pour nous filmer et utiliser les logiciels de reconnaissance faciale dans l’espace public et dans l’espace privé. Ceci est inacceptable.
Qui est visé ?
Ed Snowden, héros du XXI° siècle qui a mis sa vie en danger pour dévoiler au monde la surveillance totale mise en place par la National Security Agency (NSA) aux Etats-Unis, a démontré que ces pratiques n’étaient pas efficaces contre les attentats terroristes. Ainsi, contrairement à ce qui est prétendu, l’objectif de cette loi de sécurité globale est d’abord le contrôle et la surveillance totale de la population.
Faire peur et détourner l’attention
Ça fait maintenant près de 6 ans que l’État utilise les crises qui se succèdent (attentats terroristes, crise climatique, gilets jaunes, crise sanitaire) pour resserrer son étreinte sur le pays. Aucune théorie du complot ne sous-tend cette analyse : par nature, le pouvoir veut toujours plus de pouvoir et il utilise les circonstances pour atteindre ses objectifs. En 2020, il fait peur à la population et profite de la diversion pour faire passer des lois scélérates. Le procédé est aussi vieux que la politique.
Sécurité contre liberté ?
Dans cette période où nous avons à déplorer de véritables agressions mises en scènes pour nous choquer et nous faire réagir, la tentation est grande d’abandonner nos principes démocratiques et d’accepter une limitation de nos libertés en espérant ainsi acheter notre sécurité. C’est une illusion comme l’a écrit si pertinemment Benjamin Franklin :
« Ceux qui accepteraient d’abandonner la Liberté essentielle pour acheter un peu de Sécurité temporaire ne méritent ni Liberté ni Sécurité. »
Didier Picot
La photo insérée dans l'article est celle d'un drone au dessus d'une manifestation contre l'éolien à Saint-Aulaye en Charente.
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