DESCENTE AUX ENFERS
DESCENTE AUX ENFERS
Dans leur longue descente aux Enfers, Dante et Virgile atteignent le cercle où sont châtiés les dispendieux, harcelés par des chiennes féroces. Ils remarquent parmi eux une femme dont le maintien altier atteste la haute origine.
« C'est une noble déchue – leur dit le centaure Nessus, gardien du cercle -- Depuis plus de 40 ans elle a dépensé sans compter, son système social à bout de souffle n'a pas pu sauver sa santé, et l' ampleur de sa dette l'a condamnée à être reléguée aux Enfers ».
Dante et Virgile s'approchent d'elle avec sollicitude et l'invitent à conter son histoire.
« Je m'appelle France. Ma famille a été puissante et riche. Une de mes ancêtres a été mère des arts, des armes et des lois. Une autre s'appelait Liberté et a guidé le peuple. Hélas, je n'ai pas su maintenir leurs vertus.
De plus j'ai toléré à mes enfants tous leurs caprices. J'ai été très impécunieuse et je n'ai pas su me réformer. Aujourd'hui je le paie dans d'affreux tourments. Je me sens avilie et désespérée. »
Touchés par le discours de cette âme noble, Dante et Virgile prient le centaure Nessus de lui accorder une nouvelle chance.
« Mes pouvoirs sont limités, - répond Nessus - je ne puis que lui infliger une maladie. Si elle surmonte cette épreuve, elle pourra tenter de demander à quitter l'Enfer. Je lui donne le choix entre la peste, le choléra et la crise cardiaque. A elle de décider. »
La peste
C'est pour France la sortie de l'Euro, au moins temporairement. C'est donc l'abomination de la désolation décrite par la pensée unique à longueur d'articles et d'émissions. Les grands prêtres du dogme économique professent que c'est la mort assurée. Quelques jeunes praticiens, qui ont fait des stages au Royaume-Uni et en Islande, font valoir qu'avec une monnaie dévaluée d'environ 15 % les entreprises voient leurs prix à l'exportation baisser d'autant, qu'elles retrouvent leur compétitivité y compris envers leurs concurrentes européennes, et que l'activité redémarre. Simultanément cela donne la bouffée d'air nécessaire pour engager les réformes structurelles indispensables. Mais ces voix discordantes sont vite étouffées.
Le choléra
France reste donc dans l'Euro. La dévaluation externe étant interdite, il faut procéder une dévaluation interne, c'est à dire baisser les salaires du privé, les traitements des fonctionnaires et les pensions de retraite, comme l'a fait la Grèce, au prix de très lourds sacrifices pour sa population. Pour France la diminution devrait être d'environ 15%. Mais, dès l'annonce des premières mesures d'austérité, le pays est paralysé, car les syndicats organisent des grèves et des manifestations de masse contre le démantèlement des acquis sociaux et la paupérisation.
La crise cardiaque
Ayant refusé la dévaluation externe par la sortie de l'Euro et la dévaluation interne par la baisse des revenus, France est de moins en moins compétitive. Ses exportations se tarissent, son activité se contracte, faisant exploser le chômage à plus de 25% de la population active. Ce ne sont plus des manifestations de masse, mais des heurts sanglants comparables à ceux de la monarchie de Juillet lorsque les ouvriers dressaient des barricades et affrontaient la troupe au cri de « Vivre en travaillant ou mourir en combattant. ! »
France reste inhibée et ne prend aucune décision. De plus, pour narguer France, quelques damnés ont aménagé un réduit qu'ils ont appelé « Zone Euro », et sur lequel ils ont reproduit les paroles terribles qu'on peut lire aux portes de l'Enfer : « Lasciate ogni speranza voi ch’entrate - Abandonnez toute espérance, vous qui entrez ! »
Dante et Virgile s'éloignent, le cœur serré..…
Raymond Croella - Hommage très tardif à mes professeurs d’histoire et d’italien (1947-52)
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