C’était la guerre d’Algérie Le film 4 et 5
Mon point de vue sur le film historique de Georges-Marc Benamou et B.Stora C’était la Guerre d’Algérie.
épisode 4 et 5
Par Jean Monneret.
/ Le quatrième épisode de ce film documentaire est essentiellement consacré à la Bataille d’Alger ce qui peut paraître un défi à la chronologie. En effet, 4 épisodes pleins sont consacrés à la première moitié du conflit et seulement un seul, le 5ème, à la seconde moitié allant de 58 à 62. C’est une façon un peu simple d’illustrer l’accélération de l’Histoire. Il est vrai que le général De Gaulle a souvent donné le sentiment qu’il était pressé. L’épisode 4 ne présente aucune originalité. C’est un rabâchage très conventionnel que devra subir le téléspectateur : tortures, affaire Audin, exécution d’Yveton. Pas le moindre milligramme d’une analyse neuve. On nous ressert la doxa mise au point par la gauche intellectuelle et le Comité Audin. Point barre .
Précisons toutefois que le film reprend le thèse selon laquelle le jeune mathématicien aurait péri sous les tortures des paras (?) Or, cette thèse n’est qu’une hypothèse.* Le communiqué de l’Élysée, en date du 13 septembre 2018, officialisant la reconnaissance par la France de la disparition de Maurice Audin se gardait de la reprendre.
Ce texte, prudemment, évoquait une alternative de deux possibilités: mort sous la torture OU exécuté. (Par des militaires du groupe Aussaresses).**
Il serait miraculeux que la Vérité apparaisse un jour à ce sujet puisque les acteurs et les témoins de cet épisode sont dans l’autre monde.Quant aux archives,_si elles ont jamais existé pour ce type d’activité_, elles les y ont précédés.
Reste d’ailleurs une troisième hypothèse évoquée jadis par le journaliste Yves Courrière et le Colonel Godard, selon laquelle Audin aurait été éliminé par erreur à la place d’Alleg. Aucune allusion à cela dans le film.
// Le 5ème épisode défile, comme indiqué, au grand galop. Malgré quelques incongruités historiques***, que nous allons souligner, il a néanmoins le mérite de montrer tant la cruauté du FLN, que le cynisme du traitement infâme infligé aux Pieds-Noirs et aux Harkis. La chose n’est pas si courante. Attribuons donc ce point à ce film décevant à bien d’autres égards.
En effet, des épisodes aussi capitaux que les Barricades ou les manifestations musulmanes de décembre 1960 sont traitées avec une désinvolture confondantes. Dans le premier cas, le grand « témoin » n’est autre que Pierre Joxe, dont on ignorait qu’il eût des capacités en matière historique, ni d’ailleurs en d’autres domaines. Avec lui, objectivité garantie. N’en doutons pas !
Dans le second cas, l’importance des manifestations est soulignée à juste titre certes,mais les mots d’ordre scandés sont édulcorés : il y avait bien « Algérie musulmane » mais on entendait aussi « Pieds-Noirs au crématoire », ce que le film a préféré oublier. Tournée des popotes, Affaire Si Salah, Négociations secrètes avec le FLN, tout cela défile à la vitesse grand V. Les enseignements à tirer de quelques ouvrages et travaux de recherche plus ou moins récents consacrés à ces évènements-clefs sont superbement ignorés.****
Comment s’étonner qu’il en aille de même avec la fusillade du 26 mars, pour laquelle on nous lance avec une légèreté sidérante que tout à commencé par 2 coups de feu tirés « d’un balcon ». Les découvertes de Mme Dessaigne, des généraux Goubard et Faivre sur ce point, sont tranquillement oubliées.*****
Néanmoins, et malgré ces constats fort négatifs, quelques points intéressants méritent d’être relevés. Concernant les harkis, l’indifférence épaisse de l’État français est dénoncée. On soulignera ainsi la qualité du témoignage de M. Abd-el-Kader Hamoumou (père de Mohand) qui rappelle« l’implacable mécanique » qui va broyer les supplétifs. Ici le terme de cynisme est impropre car, pardon pour ce terme, c’est d’un véritable « j’m ‘enfoutisme d’Etat » qu’il faudrait parler.
Les épreuves tragiques des Pieds-Noirs ne sont pas négligées. Tout étant relatif en ce bas monde, il faut s’en réjouir tant nous sommes habitués à l’inverse.
Une image vers la fin du film (53ème minute) mérite tout particulièrement de rester pour l’Histoire. Pendant que des milliers de nos compatriotes s’agglutinent dans un aéroport, le service psychologique de l’Armée leur passe des discours de Michel Debré leur demandant de ne pas quitter l’Algérie. Appartements occupés, enlèvements, égorgements les attendaient pourtant, s’il leur avait pris l’étrange idée de l’écouter.
Le film parle à ce propos de surréalisme. Fort juste !
Fin._______
NOTES :
*Malgré des affirmations parfois tonitruantes de certains amis de la famille Audin.
** Le Commandant Aussaresses était à la tête d’un EM clandestin chargé d’éliminer des gens tenus pour dangereux. Voir mon livre
Histoire cachée du Parti Communiste Algérien. Ed. Via Romana. Pages 134, 142 à 144 .
*** Ainsi, on nous ressert les chiffres de l’ineffable Teitgen
sur les disparus de la Bataille d’Alger, sans tenir le moindre compte de la critique serrée qu’en a fait Guy Pervillé.
**** Maurice Vaïsse, Guy Pervillé, Maurice Faivre
***** Notamment Un crime sans Assassins Ed Confrérie-Castille.
Lire aussi :
"C'était la guerre d'Algérie, le film 3 "
"C'était la guerre d’Algérie, le film 1 et 2"
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