Les traits culturels français qui plombent l’économie

Les traits culturels français qui plombent l’économie

Les traits culturels français qui plombent l’économie Au moment où notre nouveau président entame des consultations avec les partenaires sociaux pour reformer notre code du travail, cet engagement étant le premier volet de son programme électoral, il est utile de prendre la mesure des immenses difficultés qu’il va rencontrer. Il va s’agir, rien de moins, pour effectuer toutes les reformes annoncées, que de procéder dans notre pays à une véritable révolution culturelle. Beaucoup de traits de la culture du peuple français, en effet, font obstacle au bon fonctionnement d’une économie dans le climat de libéralisme économique et de marchés globalisés qui est celui du monde moderne. On se souvient, en effet, que le sociologue Max Weber a montré dans son fameux ouvrage paru en 1904 « L’éthique protestante et le capitalisme », ouvrage qui a fortement marqué l’histoire de la pensée économique, que les croyances et les valeurs influencent les comportements économiques. Karl Marx avait dit le contraire. Ainsi, c’est l’éthique protestante qui a fait le sucés du capitalisme. Chez les protestants, le métier est une tâche que Dieu a donnée à accomplir aux hommes. Chez les catholiques, l’activité économique, au contraire, n’a pas de valeur positive : tout ce qui touche à l’argent relève de tabous. Ainsi, lorsque dans un pays il existe une partie protestante et une partie catholique, c’est toujours la partie protestante qui est la plus prospère. Et la thèse de Weber se vérifie au niveau même du continent européen : les pays du Nord qui sont à majorité protestante ont des économies florissantes, alors que les pays du Sud, qui sont principalement catholiques, ont des économies beaucoup moins dynamiques. Un autre auteur, Jean-louis Beffa, l’ancien président de Saint Gobain, explique dans son ouvrage « La France doit choisir », paru en janvier 2012, que notre pays a changé de modèle économique à la fin des Trente Glorieuses : il est passé du modèle « commercial-industriel », un modèle où l’État joue un rôle de stratège et intervient fortement dans l’économie, au modèle anglo-saxon que Beffa qualifie de « libéral financier ». Depuis lors, rien ne va plus. Dans le modèle libéral financier, le marché est tout puissant, et l’État n’a qu’un rôle passif. Dans la période des Trente Glorieuses l’économie française a été prospère et elle s’est considérablement développée ; puis, ensuite, avec la mutation qui a été opérée, notre économie a décliné. La France, depuis lors, régresse au plan mondial, et elle n’a pas cessé de s’endetter, au point que sa dette extérieure représente à présent un peu plus de 98 % du PIB, un chiffre qui devient réellement très préoccupant. Le modèle anglo-saxon semble, donc, ne pas convenir à la sociologie française, et cela s’explique par la culture même du peuple français, une culture marquée par un certain nombre de traits fortement ancrés dans le tréfonds de son âme, des spécificités culturelles qui constituent des obstacles dirimants au fonctionnement d’une économie dans un climat de libéralisme et de forte ouverture sur l’extérieur. Quels sont donc ces traits qui caractérisent le peuple français ? Nous en retiendrons essentiellement cinq : Une passion insatiable pour l’égalité Une exigence forte pour un Etat protecteur Une débrouillardise institutionnalisée Un esprit très revendicatif Un fort orgueil national Une passion insatiable pour l’égalité : On cite souvent cette pensée de Chateaubriand : « Les français n’aiment point la liberté : l’égalité seule est leur idole ». Et l’on trouve dans les mémoires du Général de Gaulle cette observation pertinente sur les Français : « Le désir de privilège et le goût de l’égalité, passions dominantes et contradictoires des Français, de toute époque ». Cette exigence d’égalité fait que les Français ont une aversion pour les riches. On se souvient que François Mitterrand avait déclaré, dans un meeting resté célèbre, celui d’Epinay, en 1974 : « L’argent pourrit jusqu’à la conscience des hommes ». Aussi, la fiscalité française traduit-elle bien ce souci de faire payer les riches pour procéder à de vastes redistributions. Notre pays est ainsi champion du monde en termes de prélèvements obligatoires. Ceux ci atteignent des sommets : 45,2 % du PIB, contre 39,0 % pour la moyenne des pays de l’UE, et 38,0 % seulement dans le cas de l’Allemagne. Cette passion pour l’égalité a fait le lit du marxisme en France, et notre pays continue à être fortement marqué par la pensée anticapitaliste de Marx. Aussi, les entreprises sont- elles soumises par Bercy à une avalanche de taxes et d’impôts qui les handicapent fortement par rapport à leurs concurrentes étrangères. Avec le montant élevé des prélèvements obligatoires en France on a pu instaurer en 1881 un système d’enseignement public gratuit, laïc, et obligatoire. Ce fut l’œuvre, comme on le sait, de Jules Ferry. Il faut remarquer que le ministère en charge de l’enseignement s’est appelé longtemps « Ministère de l’Instruction Publique », et ce sera, plus tard, en 1932, qu’Édouard Herriot va en changer le nom pour celui de « Ministère de l’Éducation Nationale ». On voit donc, là, à nouveau la marque d’un souci égalitaire, l’ambition de l’État étant de couler dans le même moule toute la jeunesse française : le terme d’ « éducation » qui a été substitué à celui d’ « instruction » est très significatif. Autre marque de ce souci d’égalité : le resserrement de l’échelle des salaires. La France est en cette matière moins inégalitaire que les autres pays. Une étude d’Eurostat a montré que la France est un des pays en Europe où les écarts de salaires sont les moins forts : 10 % des salariés les mieux payés gagnent 2,7 fois plus que les salariés du premier décile : en Allemagne, ou en Grande Bretagne, on en est à un coefficient de 3,7. Une exigence forte pour un État protecteur : Cette exigence pour un État protecteur se manifeste sous différentes formes. Des dépenses sociales au niveau national très importantes, une forte proportion des emplois se trouve constituée dans notre pays par les emplois publics, et, dans ceux-ci, le taux de fonctionnarisation est anormalement élevé. Les dépenses sociales représentent, aujourd’hui, en France, 34,3 % du PIB, alors que la moyenne des pays de l’OCDE est à 21 %,.La Suisse en est à 19 %., et l’ Allemagne à 25 %. La part des emplois publics dans l’emploi total est extrêmement élevée, bien plus élevée en France qu’ailleurs, et, par ailleurs le taux de fonctionnarisation est considérable : Emplois publics/Pop. Active Taux de fonctionnaires/emplois publics France……. 24 % France ………..81 % Allemagne…16 % Allemagne……30 % Pays Bas….. 15 % Italie…………. 15 % États-Unis…..15 % Suède…………10 % En Suisse, par un référendum d’initiative populaire, le statut de fonctionnaire a été, tout simplement, supprimé. Ce statut est très confortable. Il n’incite guère à la productivité du fait que l’emploi se trouve garanti à vie, et que les promotions se font à l’ancienneté et non pas au mérite, ce qui soustrait ces personnels au jugement de leurs supérieurs. Autre manifestation du rôle protecteur de l’État : l’intrusion de l’État dans le dialogue social. La puissance publique s’est arrogée, en effet, le rôle de partenaire dans le dialogue social, au lieu de laisser les salariés et les patrons librement négocier les conditions de travail, en tête à tête, comme cela se fait ailleurs. Il en est résulté un amoncellement de lois et de décrets qui constituent le corps d’un code monstrueux, riche de quelque 3.600 pages à présent, un code du travail qui paralyse les entreprises et les empêche d’embaucher faute pour les employeurs de pouvoir licencier librement. Cette législation abusive a conduit à un taux de chômage extrêmement élevé pour un pays développé : 10 % en moyenne, depuis des années. Une débrouillardise institutionnalisée : Les jugements stéréotypés portés par des observateurs étrangers sur les français nous disent qu’ils sont débrouillards et fainéants. Cela semble, effectivement, expliquer les constats suivants : une part plus réduite que cela n’est le cas dans les autres pays de la population en âge de travailler est au travail, pour les personnes au travail des temps de travail annuels plus faibles qu’ailleurs, et, enfin, l’âge de la retraite qui reste fixé très bas bien que la durée de vie des individus ne cesse de s’allonger. Ce ne sont là que quelques observations parmi bien d’autres, en matière de débrouillardise ! Les chiffres sont les suivants : Pop.active/ 14 -65 ans France………….69,0 % Allemagne……..78,4 % UE……………..73,4 % USA………… ..75,2 % Suède……… ….88,6 % En France, 69,0 % seulement de la population en âge de travailler est au travail, et il y ainsi, dans notre pays 7.500.000 personnes en âge de travailler qui ne font rien et vivent au crochet de la collectivité. Pour ce qui est du temps de travail annuel, les chiffres sont les suivants : Temps de travail annuel France……….1482 h USA…………1.790 h OCDE……….1.766 h Corée……….. 2.113 h Quant à l’âge de départ à la retraite, la France peine à le relever, malgré tous les efforts des gouvernements. Il s’en suit que les caisses de retraite sont en déficit. Rexecode annonce un trou de 15,1 milliards pour fin 2017. Age de départ à la retraite France………60 ans Danemark…..65 ans USA………..65 ans Suède……… 69 ans Autre manifestation de la débrouillardise des Français qui passe inaperçue dans la population : le financement des syndicats est assuré par la collectivité. En France, le taux de syndicalisation des salariés est très faible : 3 % à 4 % dans le secteur privé et 6 % à 7 % dans le secteur public, soit en moyenne 5 % environ, tout au plus, pour l’ensemble de la population des salariés. Dans les autres pays européens ce taux varie entre 60 % et 70 %. Aussi, les syndicats, en France, ne parviennent-ils pas à fonctionner avec les simples cotisations de leurs adhérents. Ils se sont donc arrangés pour que ce soit la collectivité publique qui les finance. Et, à leur tête, des apparatchiks font carrière dans des conditions très confortables. Cela ne les empêche nullement de se monter extrêmement revendicatifs, et d’entraver en permanence le bon fonctionnement des entreprises. On se souvient des combats menés par la CGT lors de la discussion au parlement du projet de loi El Khomri, en fin de législature de François Hollande. La CGT n’avait pas hésité à bloquer les raffineries pour paralyser l’activité économie du pays. Un esprit très revendicatif : Les Français ont la réputation d’être des rouspéteurs. Cela se traduit par une insatisfaction permanente, des grèves bien plus fréquentes qu’ailleurs, et des taux d’absentéisme élevés, notamment dans la fonction publique où les sanctions ne sont pas à redouter. En matière de grèves, une étude de la fondation allemande Hans Böckler, portant sur la période 2005-2013, a fourni les chiffres suivants : Nombre de jours de grève/1.000 actifs France………………139 j Grande Bretagne…….23 j Allemagne……………16 j USA………………….. 9 j Suisse………………… .1 j En matière d’absentéisme, une étude Price Waterhouse a montré que le taux, en France, est plus élevé que dans les autres pays. Enfin, pour ce qui est de la satisfaction au travail, une étude du consultant Ayming portant sur 26.230 entreprises en Europe a donné les chiffres suivants : Degré de satisfaction au travail France …………….68 % Pays Bas………......82 % Grande Bretagne….82 % Allemagne……… 75 % La satisfaction au trvail s’entendait, dans cette étude, comme la réponse : « heureux et mobilisé ». Là, encore, on a affaire à un facteur pénalisant pour notre pays : cet état d’esprit ne peut que nuire à une bonne productivité des personnels dans les entreprises. Un fort orgueil national : Les Français ont la réputation d’être chauvins. Ils ont facilement tendance à penser qu’ils savent mieux que d’autres ce qu’il convient de faire, et ils veulent montrer la voie aux autre pays. Il semblerait que ce travers prenne sa source dans le souvenir qui est gardé du siècle des Lumières, la France ayant été la première, avec sa Révolution de 1789, à faire triompher la raison dans tous les domaines et à se battre contre ce que l’on a appelé, à cette époque, « l’Obscurantisme religieux ». Au XVIIIème siècle, le français s’imposait comme langue universelle et les grands penseurs de notre pays, les savants et les philosophes, ont eu un rayonnement considérable. Cette hystérésis du passé a nui aux Français, les empêchant par trop de s’intéresser jusqu’ici à ce qui se fait à l’étranger pour s’en inspirer, éventuellement, ce qui pourrait être, pour eux, une source de progrès. Ainsi, n’analyse-t-on jamais les dispositions qu’ont pu prendre les pays voisins pour faire fonctionner correctement leur économie, notamment en matière de droit du travail. La Suisse, par exemple est un pays tout proche qui a une économie très prospère. Elle dispose d’une monnaie forte et réalise l’exploit d’avoir une balance commerciale très positive. Ce pays fonctionne sans jamais une grève, pratique la démocratie directe, et il a su conserver jalousement son indépendance. C’est l’exemple même d’un pays qui n’a pas éprouvé le besoin de se fondre dans un ensemble plus grand pour exister, à une époque où beaucoup considèrent que dans le monde moderne pour se battre contre ces géants que sont la Chine ou les États-Unis il faut être de grande dimension. Mais personne ne nous parle jamais de ce bel exemple dont on pourrait s’inspirer. Au moment où l’on commence à débattre de la nécessaire reforme de notre code du travail on ne voit, nulle part, des analyses sur la façon dont nos voisins fonctionnent : les exemples de la Suisse ou de la Grande Bretagne constitueraient pourtant de bonnes sources d’inspiration. Il en est de même en matière de fiscalité, ou encore de système de santé : en cette dernière matière, le système des Pays Bas pourrait, par exemple, être fort utile à examiner Une tâche très ardue, donc, attend Emmanuel Macron Nous avons rappelé, plus haut, l’enseignement que nous a livré Max Weber dans son remarquable ouvrage : les croyances et les valeurs influencent considérablement les comportements des individus. Il va falloir que de profondes transformations s’opèrent chez nos concitoyens pour que l’on puisse remettre l’économie de notre pays en état de bon fonctionnement. La question qui se pose est de savoir si le jeune président que le corps électoral a porté au pouvoir aura véritablement l’autorité voulue pour que puissent s’opérer d’aussi profondes transformations dans les esprits des Français.. Claude Sicard Economiste,consultant international



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