Le port de la burqua en pays non musulman : une provocation?
Le port de la burqua en pays non musulman : une provocation ?
Le professeur de droit Jean Louis Harouel, dans son excellent article paru dans Le Figaro du 25 juillet dernier, insiste avec la plus grande vigueur sur la nécessité d’appliquer dans notre pays la loi interdisant le port par les femmes musulmanes de la burqua. Des voix s’élèvent en effet pour plaider, au nom de la défense des droits de l’homme, pour la suppression de cette loi de la République, voire pour son application avec « mansuétude ». Jean Louis Harouel explique, fort justement, que l’objectif recherché par les adeptes du port du voile est « la transformation de portions entières de l’espace français en terres musulmanes dans lesquelles a vocation à s’appliquer la charia….Les femmes affichant un voile intégral sont avant tout des militantes politiques ».
Ces observations sont extrêmement pertinentes, car il faut bien considérer que le port de la burqua n’est nullement obligatoire pour les femmes musulmanes dans un pays comme le notre, qui est un pays non musulman où les musulmans sont minoritaires. Le port de la burqua en France par des musulmanes doit être considéré, en effet, comme une provocation : il est l’expression d’une volonté d’imposer l’islam à notre société qui est aujourd’hui une société laïque.
Il faut en effet s’en référer au droit musulman. Celui-ci dispose tout d’abord qu’un musulman ne doit pas s’installer dans un pays de « mécréance ». Les juristes musulmans indiquent que la migration vers la « Terre d’islam » (Dar al islam, la « maison » de l’islam) doit se poursuivre tant qu’existera la séparation entre le « Dar al islam » et le « dar al harb » (la « maison » de la guerre, cad les territoires non musulmans).Tout musulman qui se trouve en terre de mécréance a le devoir, normalement, d’émigrer, sauf s’il ne le peut pour des raisons de maladie ou de contrainte. Le guide du musulman à l’étranger publié en 1990 par une maison d’édition libanaise rappelle l’interdiction de principe d’aller vivre en « terre de mécréance », citant plusieurs versets du Coran à cet égard. Toutefois, dans le monde actuel, la majorité des musulmans installés en Europe violent cet interdit, la plupart d’entre eux l’ignorant sans doute.
Seconde disposition du droit musulman, une disposition que les autorités politiques des pays européens semblent, curieusement, totalement ignorer : des musulmans ayant à vivre dans des pays de «mécréance» où ils se trouvent être minoritaires sont dispensés de respecter toutes leurs obligations coraniques, ceci afin de leur éviter de subir des réactions de rejet de la part des populations des pays d’accueil. Sami Aldeeb Abu Salieh, responsable du droit arabe à l’Institut suisse de droit comparé à Lausanne, dans son ouvrage « Introduction à la société musulmane : fondements, sources et principes » cite par exemple le professeur égyptien Fouad Riad qui propose un code musulman de la famille applicable aux musulmans ayant à vivre dans des pays non musulmans où ils sont minoritaires. Ce code, viserait, dit son auteur « à éviter les principales discriminations dont on accuse le droit musulman, à savoir à cause du sexe ou de la religion ». D’ailleurs lorsque Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, s’était rendu au Caire à propos de l’interdiction du voile en France pour rencontrer le grand Cheikh d’El Azhar, le Cheikh Muhammad Sayyid Tantawi, celui-ci lui avait confirmé qu’une musulmane vivant dans un pays non musulman n’est nullement obligée de porter le voile. Il lui avait dit : « Si elle vit dans un pays non musulman comme la France dont les responsables veulent adopter des lois opposées au voile, c’est leur droit. Je me répète : c’est leur droit ». Et il avait ajouté : « Je ne permettrais pas à un non musulman d’intervenir dans les affaires musulmanes, mais de la même façon je ne me permettrais pas d’intervenir dans les affaires non musulmanes ».
Sami Aldeeb Abu Salieh explique qu’en droit musulman les juristes s’appuient pour étayer leur thèse sur le principe dit de « la pesée des intérêts et choix des priorités » qui permet de hiérarchiser les obligations coraniques. Il indique que les savants musulmans ont développé deux branches du droit : la science de la pesée (fiqh al muwazanat) et la science des priorités ( fiqh al awlawiyyat) En conséquence, toutes les obligations coraniques ne sont pas à mettre sur un pied d’égalité : le musulman doit savoir en fonction du lieu et du temps laquelle de ces normes a la priorité. D’ailleurs, plusieurs versets du Coran prévoient des dispenses : pour les malades, pour les voyageurs…
Ces dispositions du droit musulman sont d’une façon incompréhensible totalement méconnues des autorités politiques de notre pays. Elles permettraient de rejeter toutes les revendications que présentent les musulmans qui s’en réfèrent à une lecture littérale du Coran pour nous imposer de respecter leurs soi-disant « obligations religieuses », comme la consommation obligatoire de viande halal, ou le port du voile par les femmes, ou la non mixité dans les piscines. Et le Conseil de l’Europe qui veille attentivement à l’application de la convention européenne des droits de l’homme n’aurait rien à redire puisque nos autorités pourraient répliquer qu’elles s’en référent aux dispositions de la loi coranique.
Le Conseil Français du Culte Musulman devrait avoir à cœur de s’atteler à la tâche consistant à faire émerger un « islam de France », en s’appuyant sur les dispositions du droit coranique qui permettent aux musulmans français de prendre quelques distances avec un certain nombre d’obligations coraniques, rendant ainsi l’intégration des ces personnes plus aisée dans notre société, ceci sans qu’elles aient, évidemment, à renoncer ni a leur foi ni à leur identité. Il s’agit d’un travail ardu, à présent, vu que depuis tant d’années on a laissé l’islam tel qu’il est conçu par les wahhabites et les salafistes prendre ses marques dans notre pays.
Claude Sicard
Auteur de
« Le face à face islam chrétienté : quel destin pour l’Europe ? »
et
« L’islam au risque de la démocratie » Ed F.X. de Guibert
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